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Bertille, obscure clarté qui tombe des étoiles

Bertille Photos ©Cahuate Milk

Bertille Photos ©Cahuate Milk

La Sétoise Bertille (Fraisse) est une multi-instrumentiste de formation classique (violon, basse, percussions) qui a longtemps accompagné d’autres artistes (chanson, hip-hop, rock, électro), exploratrice d’horizons musicaux. Un premier six titres en 2018 lui met le pied à l’étrier (ou plutôt sur le pont) et le micro à la bouche. D’autres auteurs lui soufflent Du vent dans les voiles (Marc Estève), au fil Des rivières (Olivier Daguerre paroles et musique, avec qui elle a déjà joué en duo), et Jérôme Pinel, par ailleurs slameur l’abrite sous la véranda. Tandis que Loïs Eichelbrenner, musicien et technicien du son, met en musique ses Silences. Un premier album sous le signe du liquide, de la légèreté et du son qui poétise les mots.

La voici dans un nouvel album où elle a confié les musiques à Loïs Eichelbrenner, son binôme numérique, réalisateur de l’album (Planet Gloria Studio) en (co)composition, avec qui elle partage les arrangements, dans un juste équilibre. Une électro inventive, en toute liberté, romantique, avec des sons de boîte à musique, des nappes suaves s’ouvrant sur des archets de violons, des rythmes évocateurs, une voix toujours douce, mais plus affirmée, qui vous souffle des histoires. Elle ouvre l’album par une instru où les notes se répètent dans un mouvement inquiétant, grinçant, une valse fermée qui donne une ambiance aussi angoissante que le fameux suspense « In the house – In a heartbeat » de 28 days later de John Murphy.

BERTILLE 2024 500x500 ©Cachuate MilkElle s’est réservé les textes, à l’exception de La Relève, de Fabien Bœuf, promenade bucolique d’un printemps gonflé de sève, promesse d’un futur radieux ; et encore une fois, de Jérôme Pinel pour Azur à l’ombre, une plage abandonnée et ses fulgurances d’écriture, ses amants de l’arrière saison qu’elle évoque mélancoliquement, jusqu’à la chute inattendue, dans une apocalypse électro où Loïs Eichelbrenner a donné toute sa (dé)mesure. Une vraie connivence entre ces auteurs de la nouvelle génération de la chanson, qui prouve s’il le fallait qu’elle n’est pas un genre démodé, mais bien la quintessence de la musique et du verbe, capable de faire danser les corps, susciter les émotions et amplifier les idées : une belle déclinaison de la notion de Distances, volontaires « de la liste de mes amants / tu restes la plus belle fable / Mais quand revient la nuit je sais (…) je suis mieux loin de toi. », ou subies.

Distance qu’on abandonne, non sans craintes, « j‘ai vu l’amour, la honte, les regrets, le poids de tes secrets », malgré le petit air guilleret : « Je tombe, mais dans tes bras » .

Distance entre celle qui regarde, « Les âmes vagabondes / De ces quelques humains / En quête de secondes » et celui qui est à terre « J’ voulais ma route / J’ai cassé la boussole / J’veux qu’personne parte / J’veux pas finir tout seul ». Les mots coécrits avec Jemon (Tommy Kopp) résonnent particulièrement dans ce duo avec le rappeur chanteur, particulièrement expressif dans cet aveu d’échec et de solitude.

Distance qu’on voudrait abolir, dévorée de peur, quand l’autre part, tiré par l’aventure : « Et je supplie les sirènes d’écarter leurs filets de ta voie. Save my name, help me ». Qu’on cache derrière un poème « pour que tu me retiennes ». En Fuite « la grande course poursuite ». Les mots s’y cristallisent sur une superbe nappe musicale, étoilée comme un voyage cosmique porté par des vocalises célestes.

Ou même, distance que le hasard du vent a faite tomber, avec cette suave adaptation de l’eau de la claire fontaine, de Brassens, l’autre Sétois emblématique. Mais qu’on aime, cher Georges, qu’on te rhabille ainsi de ce liquide électronique, si envoûtant.

 

(Le titre de l’article est emprunté à Corneille)

Bertille, Distances, Chansons d’avril, 2024. Le facebook de Bertille, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. Après le Printival, Bertille est en concert le 28 avril à Elmediator à Perpignan avec Clara Ysé, puis à Loupian le 10 juillet au Festival de Thau.
Cet album est l’un des coups de cœur de la chanson francophone de l’Académie Charles-Cros décerné le 3 juillet au Festival Pause Guitare à Albi.

« Quand revient la nuit », clip 2024 Cahuate Milk :   Image de prévisualisation YouTube

« La fuite », clip 2023 Baptiste Tavernier Image de prévisualisation YouTube

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