Philippe Séranne, corps à chœurs
21 janvier 2024, Buffet de la gare à Veynes (05), « Le début du monde », conte musical
La chanson de Séranne ? « Une poésie qui n’a d’égale que son humanisme », disait-on en 2013 au sujet de son album Je suis le fou. Onze ans plus tard, l’humanisme prend forme… humaine : voilà que dans le public seize choristes l’un après l’autre se lèvent pour rejoindre la petite scène chargée d’un piano-vélo, et d’instruments épars.
Une flashmob façon Séranne, c’est sûr… Pour ce faire, le pianocyclochanteur a pris le temps, depuis son dernier album Le temps des gens (2017), de s’acoquiner avec le fulgurant trafiquant de musique David Aubaile, rencontré à l’ère précovidienne sur les sièges de piano du CIM, la grande école de jazz de Paris.
Et heureuse et détonante rencontre que celle-ci ! Le verbe abstrait de Séranne devient palpable et tangible, il respire, il vibre ! Non, ce n’est pas seulement ce train à l’approche, dont les rails jouxtent le lieu, qui vient suavement ponctuer un intermède parlé de ses vibrations, mais autre chose… une certaine ampleur, quelque chose qui : emporte.
Flûte traversière, calebasse, mini-synthé, piano et voix plurielles — l’univers musical s’étire : « Je m’approprie les musiques de Philippe et je les amène autre part, dans pas mal d’endroits… », nous évoque évasif David Aubaile, dont le « monde musical ignore les frontières ». Au clavier un blues, un air de ragtime peut-être, d’autres rythmiques grappillées on-ne-sait-où (ledit pianiste a une mère ethnologue spécialiste du monde arabe, un intérêt certain pour le japonais ancien et un passif aux côtés de Salif Keita, Khaled et Brigitte Fontaine pour n’en citer que quelques-uns — on vous laisse tirer vos conclusions).
Et puis bien sûr, ces deux joyeux bandits ne sont pas seuls ! Des chœurs donc. Qui viennent apporter un supplément de lumière. De puissance. D’irrésistible, même, dixit une spectatrice. Des chœurs, enfin, mis en voix par Marc Koulischer (chorale Mikado) et en scène par Aurélie Dauphin, (compagnie T’es rien sans la terre), sans qui le défi d’intégrer une chorale au concert en trois répétitions n’aurait pu avoir lieu. Car ces chœurs changent à chaque concert : il s’agit de proposer l’expérience à des chorales qui se trouveront sur la route de leur tour de France (à vélo évidemment). Chez Séranne, la poésie humaniste est un tout : du coup de pédale au coup de chœur…et au coup de poing.
Conçu comme un contre-récit « pour sortir de la nuit démocratique » et de l’imaginaire effondriste dominant, les textes de Séranne n’ont pas abandonné leur saveur politiquement directe. Mais ne vous fiez pas au discours : « Les spectacles à visée politique, c’est profondément chiant, nous dit-il d’emblée. Un concert, pour moi, ça doit être émouvant, ça doit être beau ». Le public est plutôt d’accord : « c’est un des rares spectacles qui fait rire, qui fait pleurer et surtout, qui fait applaudir », dira l’un. Une autre aura eu du mal à rentrer dans l’univers, mais se sera finalement laissé emporter par une certaine joie électrique : « c’est un peu comme une batterie qui vous rechargerait, ce concert ! ».
« Ça faisait des années que je rêvais d’avoir des chœurs sur mes concerts », confie Séranne. Rêve réalisé — on n’aurait été surpris autrement — pour l’auteur-compositeur-interprète de chansons « d’espoir et de fureur » et son nouveau spectacle Le Début du monde. Et ça n’en est que l’aube…
Le site de Philippe Séranne, c’est ici ; ce que nous avons déjà dit de lui, c’est là.
Philippe Séranne et David Aubaile + chœurs seront en tournée du 11 au 28 avril et du 27 juin au 14 juillet. Pour tout savoir sur la tournée, c’est sur son site.
Extraits de la première, 21 janvier 2024
Aguiche du spectacle, octobre 2023
Le « dolce ostinato » de David Aubaile, 2022
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