La chanson de San-Antonio, paroles de Fred Hidalgo, musique de Frédéric Dard
Que les bien-pend-sans d’hier, les inquisiteur-trices-s wokistes d’aujourd’hui, les rabat-joie et les peine-à-jouir de toujours passent leur triste chemin ! San-Antonio n’est pas sur leur planète. Il est de la famille des Rabelais (François), des Jarry (Alfred), des Allais (Alphonse), des Dac (Pierre), des Coluche et de tous les énergumènes qui nous ont fait rire en nous regardant dans leurs miroirs.
Ce monde qui aime bien caser, étiqueter, ranger pour que rien ne dépasse ne sait que faire de San-Antonio. Il a d’abord tenté de le dénigrer et de le rejeter. En vain : avec plus de deux-cent millions de livres vendus, la vox populi l’a porté au pinacle. Depuis, ses détracteurs s’efforcent de le noyer dans l’oubli. Les oppresseurs du libéralisme, ces occis-morts de la pensée, savent aujourd’hui détruire sans en avoir l’air : trop d’informations tuent l’information ; on donne alors une priorité envahissante à la vulgarité rentable et tout le monde accepte les règles du jeu.
Non. Pas tout le monde.
Connu pour avoir mené pendant trente ans une bataille pour défendre la chanson, qu’on tente de noyer dans les musiques du monde, Fred Hidalgo s’est levé pour qu’on n’oublie pas San-Antonio. C’est le même combat pour la culture populaire, celle qui part du peuple pour découvrir, s’ouvrir, s’élever, accéder à la pensée « Car les idées ça fait penser / Et les pensées ça fait gueuler ! » (*)
Adolescent, séduit comme tant d’autres par ces polars imprévisibles, il découvre Frédéric Dard, derrière son héros et lui écrit. Séduit sans doute par la plume et l’enthousiasme du gamin de quinze ans, Dard-San-Antonio lui rend visite chez ses parents et commence alors une longue relation amicale entre eux. Le jeune Alfred Hidalgo crée le premier Club San-Antonio et commence le journalisme avec Le Petit San-Antonien. La suite est narrée, commentée, détaillée en long en large et en travers, dans ce remarquable ouvrage, Le roman de San-Antonio, en deux volumes : San-Antonio poussa la porte et Frédéric Dard entra et San-Antonio sans alter ego.
Sept cent pages sans compter le cahier photo et les multiples annexes : une biographie en kit où se mêlent inévitablement les aventures des deux Fred (Alfredéric !) et leur passion commune pour la chanson. L’un, devenu journaliste, créera Paroles & Musique puis Chorus les deux bibles en la matière ; l’autre truffera ses ouvrages de références chansonnières et montera une comédie musicale, Monsieur Carnaval qui donnera à Charles Aznavour l’occasion de créer La Bohème. Chacun à sa façon s’imposera contre vents et marées, porté par l’enthousiasme et la fidélité de son lectorat.
Affirmant un véritable amour pour l’humain admirable qu’était Frédéric Dard dans ses idées comme dans la vie, Fred Hidalgo relate moultes anecdotes truculentes, relève de nombreux clins d’œil du destin malicieux, analyse l’apparente dichotomie (**) entre l’auteur de drames sidérants les plus noirs et celui de farces monumentales les plus hilarantes. On découvre comment l’auteur sérieux de C’est toi le venin, humilié par Simenon, prend sa revanche avec Béru et son vocabulaire improbable.
Hidalgo, en auteur passionné, pousse le souci du détail pour la plus grande joie des collectionneurs. On découvre tous les pseudonymes de Frédéric Dard, tous ses livres inédits ou oubliés. Au fil des chapitres, marqués par les titres de cette œuvre considérable, on rencontre Jean Richard, Paul Preboist, Gérard Barray et aussi Georges Guétary, Renaud, Henri Tachan et tant d’autres. On plonge dans un océan d’informations on croit couler et puis on remonte à la surface un peu plus riche dans sa tête et heureux d’avoir trouvé une île loin de nos déprimants rivages.
Rien ne manque pour étancher la soif du lecteur. Cet ouvrage est le monument qui manquait au plus insolite des auteurs du XXe siècle, témoin lucide de son temps, philosophe sans le savoir, à l’écriture si jubilatoire.
(*) Léo Ferré, La vie moderne.
(**) Le groupe Bérurier Noir avait à sa façon, dans le rock-punk alternatif, assimilé cette dichotomie en associant le nom du complice burlesque de San-A et la couleur sombre des romans signés Dard.
La chanson de Bérurier, La marche des matelassiers, paroles de Frédéric Dard et Bourvil, par Bourvil :
La maman de San-Antonio, Félicie, chanson d’Henri Tachan :
Un grand merci à Michel TRIHOREAU et à NOS ENCHANTEURS pour cette ballade bien sentie dans la forme et ressentie dans le fond. En particulier, pour avoir mis l’accent sur le fait que LE ROMAN DE SAN-ANTONIO constitue une (longue) chanson en soi : Frédéric Dard ayant été un grand amateur et connaisseur (copain aussi d’Aznavour, Brel, Ferré, Tachan, Trenet… puis Nilda Fernandez, Renaud, etc.), il m’était impossible d’écrire ces deux tomes sans que la chanson y soit présente au moins en filigrane, de A jusqu’à Z, ou de façon spécifique (cf. « La goualante de San-Antonio », tome 2).
En plus, me voilà crédité (dans le titre) de parolier de San-Antonio (dont j’ai toujours adoré l’air et la petite musique), vous parlez d’une promotion… et d’une sacrée fierté ! Peut-être que, quelque part, au Bistrot de Renaud, par exemple, Frédéric Dard en est lui-même un peu fier ou du moins amusé et content.
Donc merci encore, vraiment.
Et pour en savoir plus sur la réception de cet ouvrage par ses presque cinq cents premiers lecteurs, je vous invite à découvrir leurs commentaires sur mon blog « Si ça vous chante » (où je ferai sans faute un renvoi vers ce bel article) :
http://sicavouschante.over-blog.com/2022/07/le-roman-de-san-antonio-vu-par-ses-lecteurs.html