Mardjane Chémirani : Brassens au féminin
Quai des Arts à Veynes, 26 septembre 2021,
Mardjane Chémirani nous propose de « reprendre un peu de Brassens ». Sur scène, un piano, un tabouret et une petite table décorée d’une statuette de chat dont le corps de loin ressemble fort à des gambettes de femme – un spectateur rappelle « eh bien oui, Brassens sans les chats, ce ne serait pas Brassens! ». Brassens, sans les femmes a-t-on envie de dire, ne serait sûrement pas Brassens non plus.
Le décor est sobre dans l’ombre de la salle, si ce n’est ce gilet à dorures de Mardjane. « C’est Brassens chanté par une femme, c’est Brassens chanté par une femme », entends-je comme rumeur étonnée avant le spectacle. Les revues de presse sont d’ailleurs sur le même ton : « l’idée pourrait paraître saugrenue », titre l’un. Saugrenu, vraiment ?
Sur scène, les bijoux de la voix de Mardjane donnent profondeur aux paroles tant et tant (re) chantées – s’enchaînent des classiques comme Brave Margot, P. de toi, Saturne ou encore Jeanne, sous un timbre qui n’est pas sans rappeler Anne Sylvestre selon certains, et selon moi un peu de Delphine Coutant. S’ajoute à cela une théâtralité fort bien dosée, mûrie aux planches d’Avignon et d’autres scènes. Ce bagage lui donne le luxe d’insuffler vie aux personnages de Brassens, comme dans La fessée, fameux mais moins connu dialogue entre une veuve et un confident : maniant l’alexandrin avec adresse, les détours et la chute improbable de l’histoire en sortent comme neufs !
Tout ceci ne serait rien ou pas vraiment pareil sans le piano de René Brion, son fidèle complice qui parfois prend la voix, comme sur Don Juan où les deux s’alternent avec verve la réplique. Bonheur surtout dans les arrangements – un son liquide et délicat – qui donnent une autre couleur à Brassens, parfois flirtant avec blues ou jazz, parfois plus du côté d’influences orientales, tel pour ce magnifique L’orage, où l’on entendrait presque la pluie tomber.
C’est d’ailleurs certaines mélodies de René Brion qui ont finalement convaincu Mardjane de chanter une ou deux chansons qu’elle nous confie avoir été réticente à interpréter au début. Ainsi Les sabots d’Hélène qui, alors qu’elle la chante, nous fait nous demander pourquoi cette rétiveté, tant le lyrisme que les deux copains de scène y donnent nous la font redécouvrir d’un œil et d’un rythme neuf !
Jamais ainsi les mots de Brassens ne paraissent incongrus dans la bouche de Mardjane, même lorsque grivoiserie surgit. Cela aurait été peu fidèle en effet d’oublier ce trait du Sétois, retrouvé dans le délicieux et tout à fait féminin Quatre-vingt-quinze pour cent ou encore la liberté de parole du Pornographe.
Au sortir de la salle, spectateurs – dont surtout spectatrices d’ailleurs, revenues écouter ce qui a bercé leur jeunesse, partent l’étincelle à l’œil et le sourire aux lèvres.
Le site de Mardjane Chémirani, c’est ici.
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