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Herenger, s’envoler higher higher higher

Herenger photo Mélanie Török

Herenger photo Mélanie Török

C’est un album qui vous séduit un peu plus à chaque écoute, à chaque découverte. Impossible à classer, pop, électro, rock, blues, chanson, la musique est surtout d’une incroyable richesse. À la mesure de la voix de Pierre Herenger, basse et voilée ou éclatante, d’une jeunesse éternelle. Herenger réussit à fusionner avec grâce la musique et les mots des songwriters qui ont illuminé son enfance – Dylan, Bowie, ou les grands groupes de pop rock des années 60-70 – avec la touche française, de Maurice Jarre, rencontré en Californie, à la finesse des chanteurs-rockeurs français, tels Guillo ou Olivier Daguerre. Quand on écoute Le gardien de phare, ces guitares qui se brisent, son désespoir qui s’accroche malgré tout, jusqu’au dernier sursaut : « Vrai comme la Terre est ronde / Je ne suis pas gardien d’espoir / Je fais ma dernière ronde » ou Vole (1), qui vous porte littéralement vers la lumière, la parenté avec Guillo, avec lequel il a collaboré, est évidente. Et Daguerre partage ses rêves sur la chanson-titre.

Chaque titre a sa propre ambiance musicale, simple à la première écoute, et pourtant subtile, travaillée. Construisant avec ses mots, des atmosphères particulières, très personnelles, dans sa quête de lui-même qui ressemble terriblement à la nôtre. De la course effrénée, sur des accents rouillés, dissonants, métaphore de notre époque qui ne laisse pas la place au temps
« Il n’y a que dans l’impossible / Que le présent fout le camp / Il n’y a que dans l’immobile / Que dort le néant / Folle d’amour du temps présent / Pour la nostalgie pas le temps » (1) au mystérieux slow de Paréidolie *ordinaire, où il revit ses imaginaires d’enfance, dans les yeux de son père : « En équilibre sur le sable en érosion / Je devine dans l’impalpable / Un corps de lion ».

HERENGER 2020 Dreamer faux rêveurLa crainte de voir basculer son – notre – monde, est bien prégnante, avec cette quête-mirage Aux étoiles du nord : « C’est à l’ombre / D’un soleil froid / Qu’un nouveau monde / S’ouvre là / Passé Kaboul / In ch Allah / Il y’a de l’eau qui coule / De l’au delà », superbe hymne où le ghanéen Kyekyeku prête sa langue native qui se mêle au français, à l’anglais, pour chanter le déracinement et l’espoir qui s’éteint. Et c’est une dernière valse doucement tragique au piano qui nous fera tourner, lorsque nous aurons liquidé la banquise, que Venise sombrera : « Sous l’ombrelle, piquée dans la cerise / Je l’ai vue / Je l’ai bue /  La banquise ». Herenger dévoile aussi l’illusion de ces icônes, nouvelles dangereuses sirènes, sur les murmures (2) confondants de ces Muses volages au son d’une subtile trompette… d’une fausse renommée ?

Pourtant l’espoir perdure, caché au creux de nos rêves, dansant au son de l’amour dans cette jouissive Fais-moi délicate et joyeuse, vraiment irrésistible, où le cœur bat, où le corps danse, dans un subtil jeu de séduction : « Fais moi le ciel / Pour que je monte à l’échelle / Fais moi du charme / Et je tombe les armes » . C’est là où l’on prend la mesure du talent d’Herenger et de ses musiciens (aux guitares, claviers, drumloops, pianos, basses, batterie, trompette…) pour passer d’une chanson pop et battante (de la meilleure facture) à des envolées rock bien dignes des musiciens des 70′ qui l’ont bercé : « Make me feel one desire / Make me burn in holy fire (…) Take me up and out, take me higher / Higher higher higher ». Herenger réussit même à nous persuader que Victor Hugo himself était un rocker. Et l’on y croit : « Moi je suis la fleur des murailles dont avril est le seul bien / Il suffit que tu t’en ailles pour qu’il ne reste plus rien » (3).
Catherine LAUGIER

(1) Texte de Marie Barsi, qui a également coécrit Vole.
(2) Les séduisants murmures sont aussi de Marie Barsi.
(3) Je ne sais pas, Les contemplations, Victor Hugo.

* Ce joli mot parle des illusions d’optique, d’audition…générés par nos cerveaux trompés par nos sens.

Herenger, Dreamer faux rêveur, Ancre Production /Inouïe Disribution (2021). Co réalisé par Joe Bell et Pierre Herenger. Le site de Pierre Herenger, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.

Le CD est accompagné d’un livret illustré par Ludovic Bouillé, dont les dessins servent de décor au Concert illustré coréalisé avec l’autrice Marie Barsi. Ce spectacle, reporté en raison de la crise sanitaire, a été présenté aux professionnels le 2 février à Rouillac. Il est attendu avec impatience.

La banquise Image de prévisualisation YouTube
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