Jean-Loup Dabadie, 1938-2020
Si nous parlions cinéma, nous ne saurions tout à fait tirer de sa filmographie un long-métrage plus mémorable qu’un autre. Tentons. Max et les ferrail- leurs, César et Rosalie, Vincent François Paul et les autres, La gifle, La septième cible… autant de films (il y en a près de quarante) frappés du sceau du scénariste Dabadie.
Si nous parlions théâtre, nous ajouterions qu’outre quelques pièces de sa plume, il est l’adaptateur, avec son élégance habituelle et son humour distancié, de nombre de succès, comme Le vison voyageur, Madame Marguerite ou Deux sur la balançoire. Nous rajouterions pour mémoire qu’il fut aussi un fabuleux auteur de sketches pour Guy Bedos, qui lui doit ses immortels Bonne fête Paulette ou La drague.
Mais nous parlons ici de chansons et sommes bien en peine d’être synthétique, tant il a pu en écrire.
Tenez, pour Serge Reggiani : L’Italien, Les mensonges d’un père à son fils, La chanson de Paul, Hôtel des voyageurs…
Pour Michel Polnareff : Tous les bateaux tous les oiseaux, On ira tous au paradis, Lettre à France…
Pour Julien Clerc : Ma préférence, L’assassin assassiné, Le cœur trop grand pour moi, Partir, Femmes je vous aime…
Jean-Loup Dabadie a écrit pour Les Frères Jacques, Marcel Amont, Barbara, Petula Clark, Robert Charlebois, Nicoletta, Régine, Michel Sardou, Liane Foly, Jean Gabin (Je sais, c’est lui !), Sacha Distel, Dalida, Claude François, Richard Cocciante, Juliette Gréco, Elsa, Mireille Mathieu, Jacques Dutronc… Il vaudrait peut-être mieux faire la liste de ceux pour qui il n’a jamais écrit.
Dabadie est un parolier, son métier est de penser des chansons pour autrui, de leur concocter du sur-mesure, de les écrire et de les entendre chanter. Que ceux qui pensent qu’il est facile d’écrire des chansons, qui prétendent qu’être chanteur induit de savoir écrire (et composer), écoutent les chansons de Dabadie. Écrire Le petit garçon, Ma préférence ou Dans la maison vide, c’est faire montre d’un grand, d’un immense talent. Je connais nombre de prétendus chanteurs/auteurs qui auraient gagné à le prendre pour parolier. Et d’amateurs de chansons qui, longtemps encore, fredonneront ses textes : « Attends, je sais des histoires / Il était une fois / Il pleut dans ma mémoire / Je crois ne pleure pas / Attends, je sais des histoires / Mais il fait un peu froid ce soir / Une histoire de gens qui s’aiment… »
Charles Trenet eut le fol espoir d’être élu à l’Académie Française. L’Académie n’en a pas voulu. Dabadie fut de cet habit vert, en partie pour ses vers. Ça faisait douze ans que, par lui, la chanson y siégeait. Comme quoi « les vieux snocks d’l'Académie » naguère chantés par Pierre Perret furent un jour bien inspirés…
Jean-Loup Dabadie vient de partir et la chanson rentre en grand chagrin. On ne devinait pas à quel point il est depuis longtemps un peu de nous. Nous l’avons tant chanté, nous l’avons tant aimé.
« Partir partir / Même loin de quelqu’un / Ou de quelqu’une / Même pas pour aller chercher fortune / Oh partir sans rien dire / Vivre en s’en allant ».
Très bon papier. D’accord avec tout ce qui est dit là. D’autant plus que je suis un peu agacé par les radios-télés qui ne passent que « Femmes je vous aime » pour lui rendre hommage. Je n’ai rien contre Julien Clerc mais il y eut d’autres interprètes. Pour la petite histoire, c’est Reggiani vers 1966 qui appela Dabadie pour lui écrire des chansons. « Mais je n’ai jamais écrit de chansons ! – Justement ! » rétorqua Reggiani . Et ce fut « Le petit garçon », chanson sous forme de dialogue qui ressemble un peu à un scénario de film. Je me repasse aussi certains films d’Yves Robert pour les dialogues de Dabadie dont je connais quelques répliques par coeur comme d’autres peuvent citer Audiard. Salut l’artiste !
Dans une interview pour la superbe revue des vieux, SCHNOCK (n° 26 – Printemps 2018), Jean-Loup Dabadie explique qu’en fait, « Le petit garçon » n’est pas sa première chanson, comme on peut le lire un peu partout. En réalité, il en avait déjà écrit une autre pour Barbara, « Marie Chenevance » (qui ne sera toutefois enregistrée qu’en 1971). Et c’est Barbara qui a conseillé à Reggiani, qui devait faire sa première partie à Bobino et à qui il manquait une chanson, de contacter Jean-Loup Dabadie. Ce qu’il a fait, lui laissant 3 jours pour pondre quelque chose. Doc, pas son coup d’essai, mais pas loin !
Dans tous les sens du terme, je « partage » !