Le confinement convivial en chansons

Un Frasiak confiné reste toujours un Frasiak (photo Alain Nardino)

On ne compte plus les chansons mises sur YouTube pour commémorer le Grand Confinement ! Originales ou détournées, drôles ou sévères, sages ou vachardes, nulles ou talentueuses, il y en a pour tous les goûts. Les pires sont au moins thérapeutiques : elles ont l’avantage d’aider leurs créateurs à mieux vivre leur isolement et à libérer leurs sentiments variés. Beaucoup sont drôles sans grande prétention artistique. L’équipe de 120 minutes a fait le buzz avec Sans Public, une parodie de Brassens. Certaines sont généreuses, militantes, un rien convenues dans ces circonstances.

Quelques artistes utilisent les moyens que les circonstances leur accordent et pratiquent à leur manière le télé-travail. Éric Frasiak, par exemple, diffuse son « concert en pointillé du matin ». Individuelles ou collectives, les initiatives se multiplient.

Valentin Vander réalise une « symphonie confinée » avec le succès de Bourvil La Tendresse (on la retrouve ici en « Chanson du jour » de NosEnchanteurs) avec quarante-cinq chanteurs de toute la France, bloqués chez eux, dont Garance, Gildas Thomas, Lise Martin, Gauvain Sers, Chouf, Lily Luca… Remarquable travail technique pour la synchronisation et la mise en images.

Quelques jours plus tard, Dominique Babilotte avec Marie et Eric Pellerin les créateurs du festival Les Originales de Morlaix réalisent une expérience similaire avec près d’une centaine de chanteurs professionnels ou non de sept à quatre-vingt-cinq ans. On y trouve quelques Bretons comme Gérard Delahaye, Yvon Etienne, ou Clarisse Lavanant, des Québécois comme Steve Normandin, des interprètes comme Natasha Bezriche ou Annick Cisaruk, des humoristes comme les deux Morel (François et Gérard), Sylvain Richardot de Chanson Plus ou Wally, des gens de tous talents et de toutes générations comme Clément Bertrand, Frédéric Bobin, Michel Boutet, Evelyne Gallet, Garance, Bernard Joyet. Un rassemblement très éclectique mais surtout une belle conscience collective à distance jamais atteinte et aboutie sur une même chanson. Il faut beaucoup d’humilité à un artiste, habitué à recueillir seul les acclamations, pour se fondre dans une chorale ou défilent par ordre alphabétiques des têtes bien connues et des quidams, tous en harmonie vocale et musicale. Le choix est en lui-même un symbole, une chanson de Léo Ferré pleine d’espoir d’une nécessaire utopie pour l’après confinement, l’Âge d’Or :

Nous aurons l’amour
Dedans tous nos problèmes
Et tous les discours
Finiront par je t’aime
Vienne vienne alors
Vienne l’âge d’or

C’est vers Barbara et sa plus belle histoire d’amour que se sont tournés 47 artistes helvètes : notre ami Pol de Groeve y reviendra prochainement.

L’humain se révèle dans les périodes graves, avec ce qu’il a de pire comme les faits-divers nous le montrent quotidiennement mais aussi dans ce qu’il a de meilleur comme le génie créateur le prouve chez la plupart des artistes. Notre monde matérialiste et financier se fissure comme le béton qui laisse passer quelques herbes folles.

Les utopies ne se réalisent pas, ce n’est pas leur rôle, par définition. Elles sont les énergies qui permettent aux fleurs de triompher sur le béton et de donner un sens à la vie.

Le bonheur n’est pas un état permanent et moelleux dans lequel on s’attarde, il est fait de ces moments précieux que l’on est capable de capter au hasard, lorsque des atomes de tendresse, de générosité et d’espoir s’assemblent en harmonie, en phase avec la réalité. Ce sont les artistes qui savent sinon en créer les contours, au moins les rendre perceptibles à nos sens.

Dans nos prochaines éditions, nous reviendrons sur ces très nombreux artistes en confinement, en diffusant nombre de leurs vidéos.

120 minutes : Sans public

La Chorale extraordinaire (L’Age d’Or, Léo Ferré)

Renan Luce (Du bout des lèvres, Barbara)