Fred Mella (1924-2019), le dernier des Compagnons
C’est, cette fois-ci, avec la disparition du dernier* des Compagnons de la Chanson (au moins de sa formation initiale, de loin la plus célèbre), qui plus est leur soliste, la fin d’une histoire, un livre qui se referme, le point final à l’une des plus belles et célèbres pages de la chanson. Quelques semaines après le décès de son frère René (en septembre dernier), Fred Mella a quitté ce monde, par lui enchanté.
Né en 1944 des Compagnons de la Musique, eux-même issus des Compagnons de France, Les Compagnons de la Chanson s’engagent dans le Théâtre aux armées avant d’être démobilisés. Ils chantent alors un répertoire issu du « folklore », tel que Perrine était servante. C’est lors de leur premier gala, à Paris, interrompu par une alerte, qu’ils font connaissance avec Édith Piaf. Ça donnera Les trois cloches et des tournées internationales avec Piaf, d’emblée la reconnaissance et le succès. Suivront trois décennies mémorables et un répertoire qui ne cesse de prendre de l’importance. Des reprises du répertoire traditionnel telles que Les prisons de Nantes, Le roi a fait battre tambour ou Le galérien, des reprises de succès du moment (Les comédiens, Comme un p’tit coquelicot, Le mexicain, Si tu vas à Rio, Je reviens chez nous, La chanson de Lara…) ou des créations telles que Le marchand de bonheur.
Incessantes tournées de par le monde, Bobino et Olympia bondés pour de longues dates, télés et radios à foison, les neuf Compagnons (Guy Bourguignon, Jean Broussolle, Jean-Pierre Calvet, Jo Frachon, Jean-Louis Jaubert, Hubert Lancelot, Gérard Sabbat, René et Fred Mella, ainsi fut la formation d’origine) font alors partie de notre quotidien.
Faisant fi des modes, nos Compagnons vont perpétuer une certaine idée de la chanson, qu’on rapprochera de celle de Jacques Douai et d’autres « folkloristes » pour qui l’héritage de la chanson est important, qu’il faut continuer à entretenir, même à rebours de l’air du temps.
Après la dissolution des Compagnons, l’Ardéchois qu’est Fred Mella continuera, jusqu’en fin 2008, à se produire, cette fois-ci en solo, avec un répertoire en propre au début, mais surtout avec le souvenir, toujours ravivé, du groupe dont il fut le soliste, tant que sa prestation en devenait une conférence chantée s’organisant autour de la photo de ses compagnons.
*Ne reste (ne l’oublions pas) de ce groupe mythique que Michel Cassez, dit Gaston, qui avait rejoint Les Compagnons de Chanson, en 1971, lors d’une émission télé de Danièle Gilbert, dont Gaston fut un temps le co-animateur.
Reste aussi, et c’est sans doute le plus bel hommage qui puisse être, Les Nouveaux Compagnons (de la Chanson) qui reprennent une partie du répertoire de leurs aînés tout en y ajoutant de nouveaux et de nombreux titres qui auraient mérité d’y figurer.
Pour ma part , je préférais nettement Les Frères Jacques , plus audacieux, plus fantaisistes et nettement plus rigoureux dans le choix de leurs chansons . Cela dit, la carrière des Compagnons est très respectable et , comme beaucoup d’entre nous je présume , je les entendais beaucoup dans mon enfance ( disques, radio , télé ) et on ne peut être que nostalgique . J’ai eu la chance de rencontrer une fois Fred Mella, un monsieur charmant , ravi d’évoquer sa carrière et qui était un ami proche de Brassens et d’Aznavour. Et quand on s’intéresse un peu à la chanson française , on écoute . Et aujourd’hui , on est triste.