Samir Barris, passeur de poésie
Sauvé dans L'Équipe, Lancer de disque, Pol De Groeve
Tags: Nouvelles, Samir Barris
Clairvoyance ou opportunisme ? Toujours est-il que c’est ce 20 septembre, veille de l’automne, que nous est arrivé cet album intitulé Fin d’été. Timing parfait. Son auteur ? Un quadra bruxellois au passé déjà copieux : Samir Barris. Chanteur à double tranchant – pour les enfants avec son projet Ici Baba, pour les adultes sous son propre nom – il cultive pour l’heure la mélancolie élégante et la nostalgie discrète. Quoi d’étonnant dès lors que son disque rassemble 13 chansons dont l’absence et le temps qui passe forment le fil conducteur ? Des titres joliment écrits. Il faut dire que la moitié d’entre eux sont des poèmes mis en musique. Pas trop difficile, me direz-vous, de chanter de belles choses quand le parolier se nomme Victor Hugo, Paul Verlaine ou Charles Baudelaire, et qu’on y ajoute en outre une reprise de Barbara, Septembre ! Certes, mais encore faut-il le faire avec justesse et intelligence.
Avoir ainsi appelé à la rescousse les auteurs classiques n’est-il pas une façon de combler un manque passager d’inspiration ? L’œuvre le laisse entendre. S’ouvrant sur Le fil, où l’artiste exprime son angoisse de la feuille blanche (Comment les mettre à bout / Ces morceaux d’idées / Je capitule / Plume / Las, je dépose la plume / Je me rends), il s’achève sur la note d’espoir des Mots retrouvés (Une saison sèche / Des idées fraîches / Un vent de folie / Une envie neuve / Une mémoire veuve / Un vif appétit). Entre les deux, il aura tenté de retrouver sa jeunesse dans la fête échevelée (Lendemain de veille) et pris de bonnes résolutions d’avenir (Et pourtant oui, je pars en campagne / Défais de mes leçons / Advienne que je taille / Plus dense et plus profond).
Pour remplir les trous – si l’on peut dire –, Samir Barris n’a guère hésité à s’attaquer aux grands poètes de jadis. Ce faisant, il se confronte aussi parfois à quelques illustres confrères qui les avaient mis en musique avant lui. Gonflé d’oser chanter Que sont mes amis devenus après le Pauvre Rutebeuf de Ferré, qu’on pouvait croire définitif (on notera toutefois que les versions diffèrent quelque peu, l’un et l’autre n’ayant pas retenu les mêmes vers pour leur adaptation). Ou de se lancer dans un Demain dès l’aube après Henri Tachan (qu’il nous soit permis de préférer la version de celui-ci, tout en retenue et en délicatesse, et par là-même plus en accord avec le sujet). Citons encore Brise Marine de Mallarmé, déjà interprété par Jacques Bertin. Mais pourquoi pas, évidemment ! Après tout, les poèmes appartiennent à qui les aime. Les plus belles réussites de l’album sont cependant les compositions sur des poèmes moins connus, comme Charmants climats (qui mêle en un titre deux oeuvres de Baudelaire, Chant d’automne et Parfum exotique), Sous les arbres profonds (Victor Hugo) et Soleils couchants (Verlaine).
Toutes les chansons de l’album abordent le deuil, le manque, le regret ou la vieillesse… Fin d’été, on disait, comme la fin d’une époque joyeuse et l’arrivée imminente de tristes frimas. Heureusement, les musiques empêchent l’ensemble de nous faire glisser vers la dépression (hivernale). Qu’il s’agisse de Ronsard sur un air de rockabilly, de Rutebeuf à la sauce bossa-nova ou d’Hugo goûtant aux rythmes de jazz manouche, l’opus nous offre un revigorant panel d’ambiances musicales. Produit, écrit, composé, arrangé et réalisé maison par Samir Barris, avec l’apport de quelques complices aux chœurs, à la contrebasse, au violon ou à la batterie, Fin d’été est un disque artisanal, peaufiné avec talent et savoir-faire. Ne vous étonnez pas si, après son écoute, l’envie vous prend de plonger dans une anthologie de la poésie française. Ce ne serait pas là son moindre mérite.
Samir Barris, Fin d’été, Stakhanova/Team 4 Action/Inouïe Distribution, 2019. Le site de Samir Barris, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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