C’est Claire, c’est Khôl

Khôl (photo non créditée)

Ce premier chapitre, cette première fois, c’est ce disque entre les mains. Un visuel dans le sombre de photos magnifiquement rendues dans la gamme des gris. Un nom, un titre d’album, mais est-ce un titre que ce Chapitre I ? Typo sobre, vernis sélectif. La classe. Le livret à l’intérieur est tout aussi beau, peuplé de photographies. Mais pas de la chanteuse. On ne sait rien d’elle, on ne la voit pas. Elle, c’est Khôl, comme cette poudre minérale qui pare le regard des femmes arabes. Si je vous parle de l’habillage du disque, c’est qu’on le regarde longuement, l’admire presque. On se dit que ce que contient le disque laser doit être aussi bien, aussi beau, que ce n’est pas possible qu’il ne le soit pas. Et on a raison.

« Khôl, c’est ce trait qui souligne le regard, c’est le côté sombre de Claire, un regard insistant sur nos vies » Appelez-là Khôl, c’est son nom de scène. Dans le civil, le métro ou au guichet de la Sécu, c’est Claire Simon. Elle nous vient de Nancy où, dès l’âge de cinq ans, elle a a fait ses classes au Conservatoire. Piano, musique de chambre, solfège, les prix ne lui suffisent pas ; elle prend des cours de chant, s’intègre aux classes lyriques. A 23 ans, Claire se produit comme chanteuse lyrique, à l’Opéra Bastille. S’ensuit nombre de productions comme choriste ou soliste…

Et la voilà chanteuse « de la chanson française aux heures de Satie et Debussy, teintée de pop-jazz ».

Chapitre 1, donc. Qui laisse en imaginer d’autres. Pour l’heure, ce sont six titres précédés d’une belle intro au piano. L’empreinte, étonnez-vous, est sinon tout à fait classique, au moins classieuse. Et une inspiration dans l’air du temps, même si elle convoque le souvenir de Frère Jacques : « Frère Jacques, quel sera notre sort / Quand, au jardin, plus rien ne poussera encore / Le ciel sera-t-il toujours gris / La vie nous aura-t-elle souri / Sans toi, Frère Jacques ? ». Rien que de la poésie (signée Khôl, mais aussi de Jérôme Didelot et de Simon Goldin), bercée par une musique rare en chanson, des émotions, des impressions, des personnages… Portés par une voix claire, résolue, haut perchée. Et follement séduisante.

Le milieu classique étant ce qu’il est, frileux dès qu’on ose prêter attention à d’autres formes musicales, surtout à cette chanson par nature bâtarde, à cette pop dont on l’a déjà étiquetée, on l’a chapitrée déjà, lui conseillant d’être bien prudente. Mais l’appel à la chanson semble irrésistible. Et Khôl de confier ses préférences : Arthur H, Juliette, Anne Sylvestre… Nous avons peut-être gagné avec elle une nouvelle fragrance à la chanson, autre sensibilité encore. Et des promesses à venir, à tenir.

Khôl, Chapitre 1, autoproduit 2019. Le site de Khôl, c’est ici. En concert le 20 juillet au centre culturel Anes Art Gonne d’Evres (55) et en scène ouverte au festival Barjac m’en chante.