Promesse tenue de Babilotte
Une constante apparait dans le parcours discographique de Dominique Babilotte : Le Baiser de Jean-Yves Lebon illustre la pochette de son premier 33 tours La Putain et le Chanteur, en 1985, puis celle de son premier CD Patchworld, en 2002, enfin il se devait d’ouvrir le très bel album La Promesse du Baiser, fraichement sorti du pressage.
Non seulement la pochette est une réussite, un paquet cadeau qui fait de la résistance esthétique devant la musique dématérialisée, mais le contenu est à la hauteur de la promesse.
Le baiser promis nous ramène à cet état d’espoir fébrile où mille questions se posent avant le contact charnel. Des moments de grâce dominent les sournoises douleurs qui préludent à l’incertaine félicité. C’est ainsi que cet album nous touche, nous surprend, nous remue.
Entouré d’une dizaine de musiciens, variant leurs talents de la bossa à la ballade, avec de belles orchestrations, Babilotte nous interroge en permanence : Depuis les souvenirs en noir et blanc : « Qu’ont-elles fait de moi ces années d’innocence ? » jusqu’aux thèmes d’une actualité sensible : « Quand lèveront nous les doutes / Vaille que vaille coûte que coûte / Sur la parité ? » Allain Leprest se demandait « Où vont les chevaux quand ils dorment ? » lui s’interroge : « Que murmurent les chevaux ? » dans un bel hommage à Anne Sylvestre. Elles, quarante ans se demandent « vers quel pays/… vers quel Messie tourner sa vie ? »
Lorsque la question n’est pas directement formulée, la chanson ouvre le champ de la réflexion : L’eau de vie n’est pas une énumération des avatars aquatiques de l’amour, mais un florilège de métaphores, de flots et d’évasion. Cartoneros nous interpelle sur l’insupportable dualité luxe et misère dont les enfants du Monde sont les victimes et On l’aura voulu attise notre malaise dans la société de consommation. Barbosa nous rappelle opportunément que le pays de Bolsonaro aujourd’hui a, pendant cinquante ans, fait d’un footballeur perdant un paria. « Le désir nous emporte / Vers de lointaines contrées » que ce soit au Brésil, au Ghana ou simplement En Baie de St Brieuc, la découverte promise est enrichissante.
Qu’il se projette dans le regard d’un buste de poilu en pierre ou dans l’âme des génies alcoolisés de Nerval à Gainsbourg, d’Edgar Poe à Philippe Léotard, Dominique Babilotte élève la chanson à un niveau de plénitude rare dans l’émotion et la pensée avec une écriture rythmée, juste et colorée dans la nuance.
Ajoutons qu’il est doté d’un timbre troublant qui rappelle celui de Serge Reggiani, dont il a précédemment en partie repris le répertoire. Il l’assume ici avec un clin d’œil à la fin d’une chanson. Il confirme dans cet album que ses propres textes et ses propres musiques — et ce disque en témoigne — sont à la hauteur des meilleurs auteurs-compositeurs du chanteur disparu.
Dominique Babilotte, La promesse du baiser, autoproduit 2018. Le site de Dominique Babilotte, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Où commander : 35 Raussan, 22940 Plaintel ; contact : d.babilotte@wanadoo.fr
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