Manu Galure : quelques pas avec le chanteur marcheur
Il est arrivé à peine fatigué, souriant, sac au dos, la tête pleine de chansons. Il y avait dans son regard le parfum des forêts, le murmure des ruisseaux, l’envol furtif des oiseaux. Il s’est posé vingt-quatre heures pour changer de solitude : un peu de sieste, beaucoup de piano et le temps d’écrire une chanson. Nous avons aussi beaucoup parlé. Pas seulement de Brassens et Trenet, mais aussi d’Anne Sylvestre, de Bernard Dimey, d’Aragon, de Gilles Vigneault, Gainsbourg, Sarclo, Leprest…
Parti de Toulouse le 22 septembre (aujourd’hui, on ne s’en fout pas !) ça fait maintenant quatre semaines que Manu Galure arpente le Lauragais, l’Albigeois, le Quercy, l’Albret, l’Astarac, la Bigorre et autres régions dont le nom même nous est inconnu, pour arriver à cette étape Béarnaise. Tout cela à pied, avec de temps en temps deux jours de « vacances » chez lui par le train pour revenir à la dernière étape et reprendre le cours de sa marche.
Une moyenne de vingt kilomètres par jour parmi les vallons, les plaines et les halliers avec pour compagnons de route des oiseaux étonnés, des écureuils sans caisse d’épargne et des coléoptères farouches. Le parcours est doublé d’un voyage intérieur. Manu digère lentement en marchant les richesses ingurgitées : la variété des paysages, des publics rencontrés, les anecdotes du chemin, les surprises des lieux d’accueils. Tout cela, assaisonné d’un soupçon d’introspection et d’une pointe d’humour, donne de la matière et de la vie à de nouvelles chansons.
Comme d’autres vont à Compostelle, il va son chemin laïc et libre. Compagnon solitaire sans devoir, mais avec rigueur, il fait son tour de France et les cathédrales qu’il bâtit sont poétiques et musicales.
Tapi dans une localité discrète et verdoyante du Béarn, L’Etabli était prêt : les cinquante sièges disparates, chaises et fauteuils de tous bois, tous réservés, s’impatientaient déjà. C’est là qu’un autre Manu, que nous appellerons Emmanuel pour éviter les confusions, anime avec son association un lieu atypique : un ancien atelier d’ébénisterie. Depuis deux ans, Emmanuel et son épouse Marine ont allumé une flamme de culture et de convivialité au cœur d’un village qui n’attendait qu’eux pour se mettre à vivre mieux.
La rencontre a lieu : « Manu ! » — « Manu ! Enchanté !» Et quelques minutes plus tard, la scène artistiquement agencée par Emmanuel est réorganisée par Manu, émerveillé devant les objets qui trainent ici et là et qui vont compléter le décor. C’est donc, au piano, sur un siège de barbier, près d’un vieux solex, d’une malle poussiéreuse qui donne la réplique à un vieil aspirateur et de quelques vieux outils fatigués que Manu Galure attaque. Chansons percutantes, insolites, décalées alternent avec de véritables joyaux de poésie tendre et délicate. Le chaud et le froid n’y trouvent plus leur compte. Spectacle échevelé, vigoureux, plein de rondeurs caressantes et de houle ravageuse. Un chat traverse la scène au moment opportun, le solex glisse au plus fort de la tempête. Festival d’humour noir et coloré, rafales de cris de colère, de détresse ou de joie qu’importe ! On est porté, transportés, déportés. Peut-être pour ne pas trop égarer son public, Manu s’arrête soudain pour évoquer son voyage à pied ; il raconte, échange, commente ; il abandonne alors ses propres chansons, laissant le public un peu sur sa faim. Beaucoup auraient volontiers échangé quelques minutes de bavardage pourtant agréable pour découvrir deux ou trois chansons de plus.
Il revient au piano, pour quelques morceaux à la demande, tirés du répertoire des « chanteurs morts » : Les Frères Jacques, Dimey, Reggiani, Ferré, Gainsbourg…
C’est fini ? Déjà ? On pousse un peu les chaises et on partage les quiches, les tartes et les boissons apportées par les habitués de l’Etabli. Le public est magnifiquement ébloui, vacillant de plaisir et de surprise, Manu semble toujours tenir la barre du bateau, droit, souriant, amical.
Qui aurait pensé que la marche à pied et la chanson pouvaient se marier pour engendrer tant d’énergie, de richesse, de bonheur partagé ?
Après une nuit de sommeil fragilisée par la création d’une nouvelle chanson, voici Manu régénéré par un solide petit déjeuner, reprenant le sac à dos, les chaussures aux lacets bien serrés et en route pour les Landes, la Saintonge, la Bretagne, la Normandie, les Flandres et Paris où il arrivera le 21 juin 2018. Après deux mois de vacances, il reprendra son périple vers l’est de la France.
Chapeau ! Galure !
Le site de Manu Galure, c’est ici (avec les étapes de sa tournée à pied) ; le site de L’Etabli, c’est là.
Excellente idée de Manu Galure, faire quelque chose qui lui ressemble ! Un rêve de toujours pour moi, même si je ne suis pas sûre d’avoir la forme physique. Ça me rappelle Chemin faisant de Jacques Lacarrière : « Savoir retrouver les saisons, les aubes et les crépuscules, l’amitié des animaux et même des insectes, le regard d’un inconnu qui vous reconnaît sur le seuil de son rêve. »
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