Bergame déploie ses ailes
Bergame (Vincent Salvi), auteur, compositeur, interprète : si [s]on nom est personne, il n’est ni d’ailleurs ni d’avant : « Demande-moi qui je suis et d’où je viens, je suis l’antihéros de ton quotidien ». S’il a abandonné son message engagé en forme de clip folk-rock vintage (Le meilleur des mondes) et son nom d’avant, Maltosh, il n’en est pas moins toujours lui-même. Encore plus lui-même, dirait-on, dans une version dépouillée, en solo, ou piano guitares voix. Certes le prof d’histoire-géo qu’il est aussi s’est toujours intéressé aux subtilités des sentiments, à la famille, à l’humain. Mais, adieu violon, guitares, batterie et accordéon, place à une atmosphère épurée. Comme dans Je ne suis que moi (2010), le voici qui plonge au cœur de l’intime. Même sa voix prend de la hauteur.
Le choix de son nouveau nom de scène, du nom de la ville d’origine de ses grands-parents, n’est pas anodin. On le voit en quête de ses racines, de son identité, avec cette belle confession d’un fils à un père trop admiré : « Si c’était écrit dans l’univers (…) Est-ce que les fils décevront toujours leur père » qu’il arrive quand même à faire descendre de son piédestal. « On a fait comme on a pu / on donne ce qu’on a reçu ».
L’atmosphère de l’album, arrangé et réalisé par Alexis Campet, sait alterner douces aubades, airs légers et mélodiques et morceaux prenant soudain un développement aux accents très rock.
La chanson la plus dansante, Tout pour moi, cache sous son rythme enlevé une violente critique de la « loi de la jungle » et prend une acuité particulière en ces temps où nous devons nous prononcer sur un choix de société : « Moi je prends ce qui me revient de droit / La nature est bien faite / Car je te laisse les miettes / Que tu l’acceptes ou pas / C’est un pour tous et tout pour moi ».
Le froid sourd à bouche fermée de cette superbe et sombre peinture de Bruges en hiver, alors qu’une fausse légèreté ressort de cette quête : « Alors dis-moi pourquoi / J’irais chercher ailleurs / Ce que j’ai sous mon toit / Mon América / Tu es mon Amérique à moi ».
L’album s’achève sur un sommet, Dors, qui passe d’une douce berceuse à une ballade d’une grande intensité dramatique, planante, intrigante. La voix de Vincent si séduisante, grave, modulée, caressante, et pourtant par moments presque menaçante, les chœurs lointains surgissant à point nommé, les ondes des claviers en vagues et ressacs, montent progressivement jusqu’à nous submerger d’émotion. Imaginons un titre de dix minutes de cette trempe, et nous nous retrouvons avec un bel album de chanson d’un rock quasiment progressif.
Bergame fut finaliste du prix Georges-Moustaki en 2017. S’il n’en fut vainqueur, c’est soit que la promotion de cette année était particulièrement brillante, et c’est bon signe pour la chanson française, soit qu’il n’a été jugé que sur deux titres. Gageons qu’il nous séduira complètement avec un album de onze titres ou plus.
Bergame, éponyme, autoproduit 2016. Le site de Bergame, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Concernant le Prix Moustaki, je confirme, de l’intérieur, que la première option est la bonne..!
Etant aussi de l’intérieur, je confirme sans mal les propos de Patrick Engel.
Très belle voix et très belle chanson : « Tout pour moi » prend effectivement « une acuité particulière en ces temps où nous devons nous prononcer sur un choix de société ».
Autant dire qu’elle indique clairement le bon choix à faire demain
(j’approuve) mais, chut ! La campagne est finie…
Merci Catherine Laugier, pour cet article complet, précis et tous ces mots justes. Raconté un peu comme un voyage où chaque titre de l’EP est une nouvelle étape. Il donne envie de continuer la route avec Bergame, de suivre son parcours et continuer ce voyage ensemble.
Il est clair que 2 chansons ne suffisent pas pour se faire une idée de ce qu’un artiste peut partager avec nous… la preuve, c’est que quand on prend le temps d’écouter, qu’on lui donne la possibilité de s’exprimer un peu plus longtemps, ce qu’il nous apporte, ce que l’on partage est tellement plus riche, tellement plus fort…
Merci à vous Catherine pour ces mots justes. Merci à Vincent Capraro pour ses jolies photos. Merci à Bergame pour tout ca! Et vivement la suite de cettaventure !
Très bel article, j’adore l’idée d’une chanson de Bergame en format rock progressif !