Delphine Coutant, joli coup de Ballet !
Petite révolution pour Delphine Coutant qui s’assure de la participation de Matthieu Ballet (familier, entre autres, des artistes des pays de Loire : Alexis HK, Miossec… mais pas qu’eux) à la réalisation, aux claviers, aux programmations aussi, pour La nuit philharmonique, cinquième album de notre Guérandaise. Un réalisateur ? C’est la toute première fois pour la dame, qui voulait toujours faire tout toute seule, effrayée à l’idée que ça puisse lui échapper. Le résultat est probant, qui, semble-t-il, va plus loin encore que ce qu’elle voulait explorer.
Que le titre de ce nouvel opus ne nous trompe pas : pas d’orchestre symphonique ici, pour reprendre les grands titres de cette artiste, seulement la chanson-titre d’un road-movie nocturne qui appelle les sons : « Coupe les phares / Une symphonie / Peut surgir de la nuit ». On peut toutefois entendre « philharmonique » pour ce que ce terme suggère comme envie, tentation, presque prétention. Tel quel, le contenu de ce disque n’aurait pas trop de mal à rencontrer, à s’accoquiner à un orchestre symphonique… Cordes, cuivres et percussions y sont déjà : on touche du bois.
Les pochettes en témoignent : le précédent album, Parades nuptiales, en 2011, était en pleine lumière ; là, nous explorons la face obscure, celle de la nuit, qui révèle plus encore les possibles petites lueurs, les émotions, les sensations. Ce disque s’écoute à tâtons.
La chanson française a toujours privilégié le texte, souvent au détriment de la musique. Avec Delphine Coutant, les deux ingrédients se fondent, le mot perd son leadership. Tant que les deux chansons plus légères (et récréatives) d’entre elles sont dans un anglais rudimentaire qui ne nécessite pas la moindre traduction. Les textes semblent naître de rien, de sables instables, d’une plaine, de l’air qui refroidit, d’un fantôme, d’une bataille navale, presque des prétextes. Où des éléments discordants, pièces étranges d’une dramaturgie nocturne qui, à chaque écoute, secrète ses mystères, les renforce même. Des émotions, des sensations… « Comment faire / Pour que nos émois / Ne soient pas en guerre ? » Pour un peu, on vous conseillerait d’écouter ce disque vous aussi dans l’obscurité (les fantômes aiment beaucoup…), vous laissez séduire par un violoncelle, une contrebasse, par des instruments qui alternent le grave au fantasque, le léger à l’angoissant. Les mots se coulent dans les portées, parfois futiles, parfois non. Parfois planant, parfois dansant. Entre chien et loup, les idées s’agglomèrent, se précisent parfois, comme dans Ma cité, charge aux mots couteaux, coup de griffe, sursaut (« Ma cité déraisonne / Ma cité fait la conne / Elle me montre son cul / Fait de moi son cocu / On n’est jamais criminel / Dans la finance / C’est un joyeux bordel / Où est la cohérence ? »).
On peut douter d’une œuvre qui se livre, se délivre toute entière à la première lecture, la première écoute : l’intérêt de ce disque-là ne risque pas de se tarir. La semi-pénombre cache ses mystères et fait de cet album un enchantement permanent.
Delphine Coutant, La nuit philharmonique, La cueilleuse/Quart de lune/(rue Stendhal) 2016. Le site de Delphine Coutant, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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