Lallemant, Lafore et Diterzi font sieste commune
Les siestes acoustiques de Bastien Lallemant, 17 décembre 2016, Théâtre Boris-Vian à Couëron (44),
Ce sont des chansons sinon toutes nues, au moins en pyjama. Et privées d’électricité. Tout au plus cinq projos, pas folichons. Et dix loupiottes comme des étoiles, juste pour qu’il soit dit qu’il ne fait pas tout noir. Pas de micro. Pas d’ingénieur du son pour ces ingénieuses chansons. Elles ont aujourd’hui pour fonction de ne pas faire barrage à votre sieste, de l’accompagner même, la fournir en notes de musique comme en suggestions de rêves, en paysages comme en émotions. Chantées, c’est étonnant, dans un presque silence, pour mieux bercer notre état entre écoute et sommeil.
Le public est confortablement allongé sur des transats. Ou par terre, sur des coussins, des oreillers. On regarde ou on dort. On se regarde dormir, moi je m’écoute ronfler.
Cinq musiciens dont trois chanteurs : Claire Diterzi, David Lafore et Bastien Lallemant, dont ce sont les Siestes acoustiques. A leurs côtés, Maeva Le Berre, au violoncelle (et sur une chanson hispanisante), et Christophe Rodomistro, à la guitare discrètement électrique.
« Sur la plage… sur le sable si fin, une vague que le sable retient… » Bastien Lallemant, le maître es-siestes, créateur du reposant concept, déjà égrène le sablier. Le premier tintement de cloche vous a endormi ; dans une heure, le second vous réveillera. Entre-temps, chaque chanteur vous aura bercé. De chansons qu’on dirait parfois avoir été créées rien que pour cette sieste. Et d’autres aux textes plus incongrus mais qui, ainsi interprétées, font presque berceuses, quand bien même elles seraient monstrueuses dans le texte : « Tu m’as fait pleurer mon père / Roi des forêts, mon beau salaud / J’m'en mords encore les doigts d’honneur » ose Diterzi quand Lafore n’hésite pas plus (lui n’hésite jamais, c’est sa marque de fabrique) : « J’ai massacré tout un pays / Et j’ai floué son horizon ». Lallemant ne fait que de ces chansons envoûtantes aux obsédants clairs-obscurs qui en cette heure vont si bien, dans l’attente de plus longues nuits. Chacun se suit et ne se ressemble pas, si ce n’est dans le calme, la sérénité d’un temps de repos arraché de haute lutte au quotidien. « A l’heure où mon oiseau éteint ses ailes / Morphée donne son corps à l’enfance / Mes paupières s’accrochent aux branches / Dans la nuit suis-je à la hauteur ? » Le sommes-nous en cette après-midi, dormeurs privilégiés d’un tour de chant hors normes même si déjà, ici et là, il fait école, il fait dortoir. Au Japon, à Tahiti, en Nouvelle-Calédonie ou en Thaïlande. En Belgique comme chaque dernier dimanche du mois, à Paris.
Il n’est pas dit que dans ce théâtre de Couëron il y ait beaucoup de fans tant de Lallemant, de Lafore que de Diterzi. Mais des adultes et des enfants séduits par l’insolite proposition au vague menu : faire une sieste avant le quatre-heures gourmand de cakes au beurre et de fars bretons.
Coquin, David Lafore avait remis sa Petite culotte avant que la cloche sonne. Une heure suspendue entre rêve et réalité avant de récupérer ses pompes et de reprendre le cours de sa vie. Avec tout de même sont lot de p’tites chansons qui, à l’insu de notre plein gré, se sont un peu incrustées en nous, que nous avons envisagées différemment, en un tout autre rapport, nous immisçant plus encore dans la construction tant des musiques que des mots.
Plus de renseignements sur les Siestes acoustiques de Bastien Lallemant ici. A ce jour, plus de 150 chanteurs, auteurs et comédiens y ont déjà participé.
Et pour les Parisiens qui ne peuvent aller faire un gros dodo à Couëron, ils peuvent une fois par mois somnoler à La Maison de la Poésie. Bastien Lallemant y organise chaque mois ses siestes musicales depuis plusieurs années.