Stef !, chanteuse (peu) conforme
« Moi je suis fière de faire partie / De la race des culs bénis / Dont le niveau d’huile élevé / Est une preuve de qualité ! » Il faudrait être en singulière méforme pour ne pas chanter à notre tour les louanges des formes et des rondeurs de Stef ! (le point d’exclamation fait partie de son nom, de sa typographie intime) puisqu’elle les chante elle-même. Et de la pleine forme de ses chansons, radieuses et décomplexées. Je pèse mes mots, elle non : elle a congédié son pèse-personne. C’est de la chanson bien en chair, qui boudine en bout de vers, de bourrelets. Des vers adipeux, un peu, qui d’emblée font Ôde à mon cul (le sien, pas le mien, suivez bien) et, trois titres plus loin, pastiche La pêche aux moules (les deux côtés sont au moins traités à égalité) en une gourmande Pêche aux mâles, qu’elle poursuit plus loin par un J’aime les hommes qui plus est chanté en duo avec Nicolas Bacchus, qui les aime autant mais avec un tout autre mode d’emploi. Y’a que quand elle chante Les boules de Noël que, là, ce n’est pas du tout ce que vous pensez (une chanson sur la solitude mais pas sur l’onanisme).
Au jeu des comparaisons qui souvent valent raison, Stef ! est comme une Lynda Lemay sous acide. Plus sûrement, elle est solide concurrente d’Evelyne Gallet. Des chansons à en faire rougir plus d’une, du féminin qui ne sait pas grand chose des codes de la féminité, de ceux qu’on enseigne dans la presse spécialisée avec plein de pubs dedans. De la chanson taille large : un conseil, si vous n’aimez que la chanson anorexique, changez de fréquence, demandez à Varrod.
Chanson féminine qui sait et pratique les cruautés de l’amour : celle de la rupture surprise, de la toute dernière fois : « Si c’était la dernière étreinte, comment prévoir ? / Comment faire que cette fois aussi / On se la rappelle toute la vie / Et qu’à jamais ce souvenir de plaisir / Nous fasse rougir ». Chanson féminine qui se sent condamnée au ménage à perpétuité : « Au frigo, que contient ce bol ? / De la tapenade ? Du guacamole ? / Non, cette mousse onctueuse et verte / C’est de la moisissure de crevettes !« . Chanson féminine entre copines aussi : beaucoup de nos lectrices s’y retrouveront…
Ceux qui ne connaissent que Stef ! en scène seront agréablement surpris : nous sommes loin du strict piano-voix auquel la belle nous a habitué. Si le piano est là, il n’est pas le seul à se jouer de ses chansons : François Debaecher, le titulaire, laisse son instrument à queue à Manu Galure sur un titre, Eric Toulis truste la guitare, le banjo, l’orgue électrique et le rythme disco, Didier Quéron sous le saxophone et le soubassophone. Sylvain Rabourdin, lui, violone.
Pour être juste, comme le ferait Lynda Lemay, comme le fait aussi Evelyne Gallet, il y a dans ce chapelet de chansons émoustillantes des qui le sont moins et qui explorent avec rare sensibilité des sujets plus graves. Ainsi Dodo, l’enfant do qui, dans les détails les plus intimes, nous fait vivre l’avortement. Un moment bouleversant de ce précieux disque. Mais là où Lemay aurait coupé des oignons pour noyer sa chanson de commerciales larmes, Stéf ! nous livre ce calvaire avec une digne sensibilité, avec des mots précis, sans air moralisateur. Digne, j’ai dit.
Stef ! En pleines formes, autoproduit 2016. Le site de Bacchanales prod, c’est ici, le facebook de Stef ! c’est là ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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