Arnold ré-enclenche le turbo(ust)
Les voyages spatio-temporels dont nous gave la science-fiction, la belle affaire ! Comme si c’était si compliqué de remonter le temps en quelques minutes ! Il suffit de peu de choses : une machine ad hoc (platine, lecteur CD, I Phone, c’est vous qui voyez…), une chanson de sa jeunesse et hop, c’est parti pour une remontée temporelle. Au jeu de la madeleine proustienne, la musique est certainement le maître-choix.
Il arrive pourtant que ce soit un disque récent qui nous donne cette sensation. C’est parfois parce que son auteur fait un délibéré clin d’œil à la musique qui a bercé son adolescence (et la vôtre par la même occasion) : un synthé à la Eurythmics par ci, un son de guitare à la Led Zep par là… Ou alors, c’est à l’occasion du retour sur le devant de la scène d’un grand ancien, un peu perdu de vue mais toujours bien vivant, qui vient opportunément se rappeler à nos oreilles.
Ainsi, Arnold Turboust. Bien connu de tous pour son tube Adélaïde, en duo avec Zabou (pas encore Breitman). Vénéré par les amateurs de pop des eighties pour sa collaboration avec Etienne Daho sur quelques unes de ses œuvres majeures (Tombé pour la France, Epaule tatoo, Duel au soleil…). Auteur discret sous son nom d’une poignée d’albums, à l’audience malheureusement trop confidentielle.
C’est donc avec un plaisir non dissimulé que nous avons accueilli la parution de son nouveau CD, sans autre titre que son nom, le précédent datant déjà de 2010. Quatorze morceaux (dont un instrumental et une très sautillante reprise du Soleil et la Lune de Charles Trenet). Album écrit, composé et réalisé par Arnold Turboust et Richard Conning (guitariste américain, vieux complice de Daho, déjà partie prenante du premier album de Turboust, Let’s go à Goa, producteur en son temps de Depeche Mode), enregistré – dixit le livret – entre Paris et Los Angeles quelque part in the air. Entendez par là, merveille de la technologie moderne, par des échanges et allers-retours via Dropbox.
Dans de telles conditions, comme il fallait s’y attendre, le résultat est synthétique. Les machines ont droit de cité dans l’album et les « vrais » instruments qu’affectionnent les puristes sont denrée rare et n’en sont que plus appréciés (belle ligne mélodique au piano sur Le prix de mon silence, par exemple). Mais attend-on autre chose d’un artiste comme Turboust, maître précurseur en France des synthés et boîtes à rythmes ?
Ce nouvel album fera donc office de cure de jouvence pour les quadra-quinquas actuels, qui y retrouveront tout ce qu’ils ont pu aimer dans leur folle jeunesse : une pop électro mélodique et mélancolique, un chant susurré, des paroles légères d’apparence (sans occulter pour autant les sujets graves : Invisibles traite des sans-abris, Que la fête commence est un manifeste pour le changement…). Le seul regret est d’avoir affaire à une production minimaliste, due – présumons-le – à la méthode d’enregistrement et à un budget guère mirobolant en ces temps de frilosité et de disette phonographique, alors que certains morceaux auraient assurément mérité un traitement plus somptueux pour dégager leur puissance potentielle.
Qu’importe, Arnold Turboust est de retour et c’est une bonne nouvelle.
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