Fée comme Loizeau
Depuis son Autre bout du monde paru en 2006, confirmé par un brillant Pays sauvage en 2009, Emily Loizeau nous est devenue indispensable. Son timbre de voix, son univers de beauté, de mélancolie et de gravité mêlées, son petit accent… Tout la rend irrésistible et quiconque l’a applaudie un jour sur scène sait en outre qu’elle y est comme un poisson dans l’eau.
L’eau, c’est justement l’élément central de son nouvel album, sobrement intitulé Mona. Pas réellement un album comme un autre, puisqu’il s’agit en fait de la bande originale d’un spectacle musical monté par la belle début de cette année 2016 et qui sera repris en 2017. L’intrigue, paraît-il, tournerait autour de Mona, bébé né à l’âge de 73 ans et qui souffre de potomanie (non, moi non plus je ne connaissais pas cette maladie qui pousse la personne atteinte à boire de l’eau sans arrêt – Quelle horreur !). Avouons-le cependant, l’écoute des chansons ne permet guère de se faire une réelle idée de la trame du spectacle ! Seul l’élément aqueux omniprésent dans les chansons permet d’établir un lien entre celles-ci.
Il faut dire que la compréhension n’est pas facilitée par le fait que sur les douze titres (+ un instrumental) qui composent l’album, seuls cinq sont chantés en français (et encore sont-ils souvent entrelacés d’anglais). On ne fera pourtant pas le reproche à l’artiste d’user de la langue de la perfide Albion dans un but racoleur : il est légitime que celle-ci, parfaite métisse franco-anglaise, utilise l’une ou l’autre langue selon ses envies ou son inspiration.
Oublions dès lors nos réticences pour nous plonger dans le monde magique d’Emily, fait d’eaux sombres dans lesquelles l’on nage dans l’attente que l’amour nous emporte, au risque de devenir un drowning man, de marin attendant la fin de la guerre pour retrouver sa dulcinée (Sombre printemps aux doux relents de Barbara, Bless our ship), de souhaits inachevés (« Je voudrais être le fond de l’eau / Là où tu chantes, là où ton cœur / Se saoule et danse de bonheur »)… Laissons-nous surtout embarquer dans son univers musical – réalisation magistrale de Renaud Letang –, mélange de douceur pianistique éthérée débordant d’émotion (Eaux sombres, As a child), de pop efficace (I once was a drowning man, Doctor G., Mona), de ritournelle enjouée (Sombre printemps) et de bastringue foutraque (Who is on the phone, 8 week sold). Ça pourrait sembler hétéroclite, c’est totalement cohérent, la forte personnalité de la chanteuse, son chant et sa voix unique fortifiant l’ensemble.
« L’amour nous emportera un jour / Peut-être ce soir », nous chante Emily. Pour ma part et en ce qui la concerne, c’est déjà fait.
Emily Loizeau, Mona, 2016. Le site d’Emily Loizeau, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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