C’est dit, c’est Cabadi !
Elle eut sa période longues nattes et fleurs, tant dans les cheveux que sur sa tenue de scène et sa page internet. Et déjà sa large casquette de poulbote qui depuis toujours signe ses origines et chaque fois renoue avec son Ménilmontant, dont elle chante le boulevard.
Là, du net à la scène jusqu’à sa pochette de disque, changement de tenue et de visuel, elle est rouge à poix blancs : ça fait un peu la cravate de Bécaud et ce ne pas désagréable. Bécôt plus que Bécaud d’ailleurs, comme ce baiser populaire qui peut joliment la caractériser.
Son nouveau site nettoie un peu son passé : nulle mention d’un précédent album (elle a commis tout de même un 7 titres en 2011), comme si tout commençait aujourd’hui, par cet accusateur et cinglant Qui êtes-vous ? Et c’est peut-être ça. Car ce nouvel opus, totale rupture qui signe l’arrivée d’une chanteuse sur laquelle il faudra désormais compter, est sincèrement un pavé, pas comme ceux qu’on s’envoyait à la figure jadis au quartier latin, mais comme un disque qui déjà nous marque, nous touche pile dans le mille. Sincère, enjouée, d’une voix assurée, qui parfois fait songer à Juliette la diva, notre trentenaire Cabadi (c’est l’âge qu’elle se donne en se plaignant du Complexe de la trentenaire) fait bonne impression par une galette où tout est bon : les musiciens, l’orchestration, les arrangements, l’interprétation (on se dit que Cabadi est capable de tout chanter, de la douceur à la furie, de la mélancolie à l’humour…), les textes… Tout ! J’insiste, y’a du Juliette qui sommeillait et se réveille en elle. La toulousaine n’aurait pas mieux repris qu’elle l’épistolaire Saint-Lazare de Bruant, notes espagnoles et juste dramaturgie carcérale : un bijou d’interprétation !
Qui êtes-vous ? La trentenaire Cabadi (c’est l’âge qu’elle se donne dans Le complexe de la trentaine, plaignez-la !) ne se présente pas mais ce disque sera plus efficace qu’une bio, qu’une carte de visite. Tant qu’elle vous retourne la question : chanson-titre de l’album, son Qui êtes-vous ? Accusateur en diable, nous montre du doigt dans une charge à peine caricaturale : en quelques couplets c’est torché et ça ne nous grandit pas vraiment. Tous les textes sont à l’avenant, pas tous aussi tranchants, mais tous nés d’une plumes sûre d’elle, en pleins (plein dedans) et en déliés, qu’elle fouille nerveusement son karma ou délire sur le possible et probable adultère de monsieur (tant que c’en est terrible guérilla), qu’elle trouve protection sous les ailes de son ange ou fasse un vent à nos dirigeants… Engagée la Cabadi ? Dans la qualité, le respect de la chanson : celle qu’elle nous offre, nous chante, nous enchante, oui.
Signalons l’excellence vraiment de l’accompagnement : « un batteur de jazz, l’autre de métal, un virtuose du violon celtique et tzigane, un guitariste aux doigts de fée, un bassiste expert et curieux, une contrebassiste d’opéra, un accordéoniste volubile, un percussionniste magicien et le joueur de mandoluth attitré de Rachid Taha côtoient avec ardeur la piano de Sandrine Cabadi. » Autre et mémorable citation, celle du chanteur Claude Astier, qui dit d’elle : « Sandrine Cabadi est une Carmen inflammable, une pétroleuse emportée par la rage et une sensibilité à fleur de peau. Entre petites inquiétudes du quotidien, angoisses burlesques ou encore doutes cruels, elle vous emporte dans son univers raffiné de chanson réaliste et d’énergie rock. Elle invite tous les styles : reggae, polka, pop ou aussi bien musette ou manouche pour distiller ses mélodies intrépides. Sandrine Cabadi est à classer dans la catégorie pétrochimie et néoréalisme. » C’est dit, c’est Cabadi.
Sandrine Cabadi, Qui êtes-vous ?, OP&Cie/Quart de lune/(rue stendhal) 2016. Le site de Sandrine Cabadi, c’est ici. En concert de sortie d’album le 10 mars 2016 au Zèbre de Belleville, à Paris.
Je viens d’écouter le disque de La Cabadi. Oui, comme on dit La Callas. La Cabadi c’est l’alliance de la tradition et de l’extrême modernité, de la tendresse et de la cruauté, du rêve et du réalisme. Casquette ! l’artiste