Côté cœur comme côté cul Héran chante Tachan
16 mars 2015, Café-Théâtre Le Flibustier à Aix-en-Provence
Héran chante Tachan… Oui, et non : Héran vit Tachan, de toute sa silhouette de géant, de son âme, de ses yeux, de sa gueule. Non qu’il ressemble à Tachan, plus grand, souriant, pas de physique à la Bonaparte famélique, pas de voix qui gratte et qui déchire pour ensuite caresser : il ne cherche nullement à l’imiter. Et pourtant Tachan l’habite, nous faisant tour à tour rire aux larmes et pleurer jusqu’aux spasmes.
Il flotte en ces lieux, cave toute en longueur avec sa cinquantaine de fauteuils rouges, comme un air de Je suis Hara-Kiri, celui de Cavanna, de Cabu et de Reiser, la tendresse infinie pour son semblable mêlée à la plus extrême grivoiserie, car le sieur Tachan a comme vous « le cul sous l’chignon », l’objection de conscience et l’anticléricalisme militants. Et s’il nous manque, Tachan, sa lucidité et sa hargne, son désespoir somptueux, ses z’hommeries et ses câlins « crémeux comme du Tchaïkovski », ses fidèles sont tout de suite conquis : Héran est lui-même, voix belle et grave, bien placée et modulée, exprimant en douceur et en nuances tous les sentiments contradictoires de Tachan. Et il n’a pas à se forcer.
Il est debout, sobre, serrant dans ses bras sa guitare, les yeux clos, ou tout sourire, expressif. Il a choisi d’interpréter pas moins de vingt-deux chansons (après, il n’en avait plus à son répertoire !), soit un dixième de l’immense œuvre de Tachan, équilibrant parfaitement le programme entre le yin et le yang.
Il attaque direct par J’vends du vent, parfaite synthèse de l’univers de l’auteur (nostalgie, tendresse et gentil blasphème) : « J’vends du vent / La clé des songes (…) J’vends du vent / C’est Dieu qui pète / Dieu ou bien Satan (…) C’est une bise / Sur ton ventre blanc. »
Puis des regrets, des doutes et des aveux, des premiers émois, des traumatismes d’enfance : « Déboutonne ma soutane / Bien en génuflexion / Et tu verras mon âme / En pleine élévation ! »
A l’aise, Héran passe au milieu des spectateurs pour une petite question, Connais-tu le chat de Mickie ? (comprenne qui voudra) ou fait répéter au public en chœur : aux messieurs le« Fais une pipe à Pépé, avant qu’il ne la casse », aux dames « Une p’tite langue à Mémé, avant qu’elle ne trépasse. » Pas sûr qu’on ait l’habitude de chanter ça dans les chorales d’Aix !
A ses côtés, l’incarnation féminine de Tachan, la blonde, douce et piquante s’il le faut, Anne Green (prononcez Grun, elle est allemande) au violon. Si Tachan nous avait plus habitués à l’accordéon ou au piano, le choix est ici judicieux. La belle Anne suit au plus près la mélodie en improvisant quand il le faut tel un musicien de jazz, donnant un coup de griffe par-ci (« Viens ma chatonne, viens ma féline »), un petit pet par-là (une louise, une louffe, carQuoi de plus redoutable qu’un pet ?),de la tendresse par son archet (« Je t’aime, mon amour, mon petit / Je t’aime, mon amour, mon amie… »).
Rappel en forme d’Inventaire et, au final, la chaleureuse Les amis (sur une musique de Le Forestier) qui nous réconforte une fois de plus :« Si les amis ça n’existe pas / Les app’lons pas les voilà. »
Tachan a fait ses adieux à la scène : c’est grand regret mais c’est un fait. Nous pouvons cependant dormir tranquille : il y aura toujours quelqu’un, Héran ou d’autres, pour faire vivre ses chansons. Tant mieux.
La page Facebook d’Héran, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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