Mischler, l’air du temps, le temps de Dimey
Valérie Mischler, 23 janvier, Le Connétable à Paris,
C’est une cave voûtée qui porte le poids de ses siècles, température idéale pour conserver les corps et le pinard : il aurait aimé, l’ami Dimey. Dans l’après-midi le froid de l’hiver a gagné la capitale, s’est imposé jusque dans cette salle du Connétable. Ça donne la chair de poule à la chanteuse que seul un bout de tissu et les dentelles et résilles de ses dessous habillent : dieu que les frissons sont élégants sur l’épiderme de la Mischler… Deux trois chansons, pas mal de vers, pour se réchauffer aux rares projecteurs. Pour nous, ça tourbillonne déjà, ça virevolte, ça pleure et ça rit, ça sent la vie.
Je ne sais comment Dimey griffonnait ses vers en s’en envoyant d’autres. Au Bic, au crayon sur le papier, à l’opinel sur le bois des tables, au burin sur le zinc… Valérie Mischler, elle, les chante comme s’il avait puisé son inspiration dans l’encrier et, de sa plume d’ange à elle, la restituait, crissant en pleins et en déliés sur le crémeux du papier, sur sa peau parcheminée et frileuse. Sainte ou pute, Mischler est dans les chansons, les habite, les personnifie. Et s’il lui vient des larmes quand ça tourne mélo, elle ne feint pas, ne triche pas. Elle est pure empathie. Du drame au rire, de la confondante naïveté à la froide assurance, qu’elle parle de sentiments ou de la chose, elle est toute la gamme des attitudes, des émotions. Et dieu (Bacchus ?) seul sait que Dimey aime à forcer le trait, lui donner du caractère, un peu comme dans Le cul de ma sœur : « Avec un cul comme ça / Si tu fais pas fortune… » C’est de famille sans doute, dans les gènes, car Mischler a le physique approprié à un tel répertoire : « J’ai l’anatomie qui rapporte / Y’a plus besoin d’avoir du cœur. » Valérie Mischler a l’allure et la classe d’une bourgeoise bohème qui va s’encanailler dans le sexe et la vinasse, qui vend autant de chansons que de promesses, qui campe le désir, se fait attendre : « Plaignez les femmes de marins / Qui tardent à devenir veuves… » Pour un peu, pour hâter, pour mater plus encore, on percerait la coque sous la ligne de déraison. Pour beaucoup plus, on ferait même dans la contrefaçon : « Dans les p’tits hôtels / On fait pas la noce / On fabrique l’amour / Comme de faux billets. »
Dimey, c’est comme un nectar qui prend corps par la voix de ses interprètes. Là, convenons que le poète défunt a de la chance d’avoir rencontré Mischler, de l’avoir séduite, de l’avoir baisé dans le cou, caressé jusqu’en bas du dos ; de l’avoir prise à son service, lui le mac des mots, pour de telles prestations tarifées, ce soir au chapeau. Divin Dimey, divine Mischler qui comme nul autre personnifie ses rimes, les atteste, les valide. Leur donne une consistance rare, enthousiasmante.
Ce même récital le vendredi tous les quinze jours jusqu’à fin juin, au Connétable. Le site de Valérie Mischler, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. La vidéo ci-dessous date un peu : Mischler est comme le bon vin, surtout quand ça vieillit en cave…
Trompettes de la renommée, vous êtes parfois bien embouchées, en Coin coin majeur …
J’en reste sans voix, ce qui n’est heureusement pas son cas ! Très envie d’aller se réchauffer le corps et le cœur dans une cave parisienne, où nul ne se pose la question de la nécessité de la Reprise …
Et bien Michel on peut vous faire confiance pour nous parler des talentueuses interprètes !
En plus le canard se déchaine, d’après Norbert…
Bien heureux ceux qui étaient au Connétable!
Merci pour cette mise en bouche!
Et ça continue, tous les 15 jours (le vendredi à 19H30) jusqu’en Juin ou épuisement des spectateurs…
Oui, ça saute aux yeux en lisant cet article ! Michel a été subjugué , envoûté , enivré, par le grand show chaud de Mischler/Dimey . Et dire que j’étais à Paris ce soir là ! mais j’ai fait connaissance avec une chouette cousine parisienne à qui j’ai promis de revenir, dans d’autres circonstances, et il faut impérativement qu’on s’arrange un vendredi soir avant juin .