Loïc Lantoine, ce mauvais gâs qu’arrive au bon moment
10 janvier 2015, MJC de Venelles
Quelques heures après les tragiques évènements que l’on sait, nous avions bien besoin de Loïc Lantoine pour nous réchauffer le cœur à son humanité rugueuse et affectueuse à la fois.
Il est bien connu ici, ce gâs du Nord que quand il parle, tu croirais qu’il chante (et vice versa). Loïc Lantoine a eu beau nous dire qu’il avait changé (« Avant j’avais la tête dans les étoiles, mais maintenant je désastre »), on a peine à le croire tant son univers le suit depuis des années, sonManneken Pis et son côté punk, sa crudité et sa tendresse, son délire verbal, ses racines populaires et libertaires. Et on en redemande !
Non, il n’a pas changé, seulement il a mûri, il s’est patiné, le tanin de sa voix ne nous irrite plus la gorge mais nous veloute le gosier, et son répertoire s’étoffe sans rien lâcher… Surprise, très peu de son dernier album dans ce concert, seuls Funambule qui ouvre le spectacle (« Je suis pas funambule / Je brave pas la mort / Je souffle dans les bulles et / Je crie quand ça mord / Je peux pas faire vainqueur / Jamais c’est moi la flamme / Je drague le bonheur »),lui servant de signature, et plus tard Je ferme (non pas la bibliothèque, mais le bistrot).
Accroché à son micro comme un capitaine à son gouvernail, debout sur ses longues jambes (« Je décompose, je décadence, je décroche »), chanteur, poète et humoriste à la fois, avec Karim Arab (cofondateur de Mon Côté punk) pour alter ego, unique musicien du spectacle, juché sur une chaise haute à sa gauche avec sa guitare qui pleure et qui scande, jouant le méchant qui le « pizzique » jusqu’à ce que, par un signe à l’éclairagiste faisant mine d’être étranglé, il implore l’arrêt du supplice.
Poète et ami des poètes, habitué des bistrots et des ports plus que des palais et des musées, Lantoine nous gratifie de belles reprises de ces poètes inspirés, dans la tradition populaire et engagée, dans ce Nord qu’il propulse avec une discrète fierté, et c’est Quand les cigares (reprise du répertoire ch’ti, écrite par Roland Bacri – l’auteur, pas l’acteur – pour Raoul de Godewarsvelde en « Hommach à vous ottes ») : « Quand les cigares y chang’ront d’bouches (…) Y faudra plus nous négliger / C’est nous qu’on s’ra les pédégés / Les pédégés. » Et puis Quand la mer monte, l’hymne du Cap Gris-Nez du même Raoul, dûe à la douce inspiration du regretté Jean-Claude Darnal.
A peine interrompu par le Jour de lessive du poète libertaire Gaston Couté (« Ma pauvre mère est en lessive / Maman, maman /Maman, ton mauvais gâs arrive / Au bon moment ») ou Un soir au Gerpil de Bernard Dimey (« C’est peut-être au Gerpil, à l’heure du délire/ A l’heure où l’on zigzague, en croyant marcher droit / Que j’ai vu mélangerle meilleur et le pire / Et la droite et la gauche et l’envers et l’endroit »), et le chef d’œuvre surréaliste du peintre poète Henri Michaux, l’histoire d’un petit cheval élevé en chambre et qui indispose son Hélène : « Les femmes ne sont pas simples / Un rien de crottin les indispose. »
Celui-là, il aurait vraiment pu l’écrire lui-même, tout comme son amour chanté aux étoiles (« Je n’ai d’autre sommeil que dormir sur ton ventre / Je n’ai d’autres folies que rentrer dans ton antre »), son amitié pour Tignous auquel il dédie Pierrot, et son rêve d’enfant : Cosmonaute.
Mais il faut encore chanter, et ce sera A la Claire Fontaine, qui nous éclabousse de souvenirs d’enfance, comme si, lorsqu’il demande à l’éclairagiste de lui montrer son public, il voulait le consoler, le câliner de « Han’Hon française » le faire rire, NNY, « Ooooooooooh! /Faut pas dire du mal de Johnny. »
Et puis, en dernier rappel, ce Tout est calme qui résonne étrangement à nos oreilles : « Tout est calme, trop / Les rires s´éloignent en échos / Les mots s´éteignent dans les gorges / Humanité sort du dico (…) On goûte à la source de la haine / A les écouter chuchoter / Tout ceux qui s´font leur beurre d´la peur / On fixe demain les yeux fermés. »
Le facebook de Loïc Lantoine, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. En concert le 8 février 2015 à l’Alhambra à Paris.
A la claire fontaine, J’ai chanté aux étoiles :
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