Riffard sans fard, avec amitié, avec passion
« Gare à Riffard ! », 20 janvier 2015, Les Poly’Sons de Montbrison,
« J’exerce un métier qui freine mon départ / Pour la fortune / Car je suis observateur de nénuphars / Au clair de lune / Compter les écus ça n’est pas mon lot / A part ceux qu’on voit briller sur les flots / Quand la lune paie en rayons comptants / Les Pierrots qui rêv’nt alentours des étangs. » De ses lunettes toutes rondes qui percent l’immense photo hologramme sur le mur, il domine la scène. Regard bienveillant, tutélaire. Mais il n’est pas ici qu’en portrait. C’est qu’il parle, le bougre, suggérant l’action ou la commentant, dialoguant parfois avec les artistes sur scène.
Oh ! Gare à Riffard !, le titre se voudrait être précaution. Mais ne vous méfiez pas de Roger Riffard : il est bon comme le bon pain. Alors, « gare »… C’est une production du Train-Théâtre, de Portes-lès-Valence, qui fait train-train de la chanson, avec parfois des locomotives, parfois des michelines serpentant les rails de notre mémoire. Au reste, Riffard est un ancien cheminot…
En conséquence, nous sommes donc entre gare et wagon. Là, il y a sept voyageurs. Étrange compagnie d’artistes qui, avant de prendre le train, ne se connaissaient parfois pas. Ils sont de sortie, de voyage, prennent l’air. Captent l’air du temps, d’une œuvre qui sans eux aurait pu se perdre : il y a tant de kilomètres de rails qu’on ne peut hélas tous les entretenir.
Ci-devant Gérard Morel, Flavia Perez, Thibaud Defever (oui, presque), Hervé Peyrard, Zaza Fournier, Stéphane Méjean (à la direction musicale mais pas que) et Anne Sylvestre, seule du lot à avoir connu Riffard. Des artistes de parcours et d’âges différents, évidente et intelligente transmission…
Chacun y va de sa voix, de son timbre. En solo, en duos et plus car affinités. Ressuscitant un répertoire oublié qui, pour l’heure, en ce lieu, en cette gare, nous semble tout neuf, pimpant, rutilant comme un sou neuf. Si Méjean a pour lui sa collection de saxophones, tout le monde a emporté son ou ses instruments. Ça fait collec’ de guitares mais pas que. Banjo, accordéons, même une cornemuse dont je pense, la panse n’a d’égale que celle de Morel.
Le monde de Riffard n’est pas rose, loin s’en faut. On n’ose pas, on rate l’occasion, on reste sur le quai faute de savoir danser la java (« J’vais souvent au bal musette / Mais je reste à la buvette »), de convaincre le père de l’heureuse élue, d’avoir eu l’envie et la nécessité de porter secours à son mari tombé dans le puits (ça c’est la Sylvestre qui le chante ainsi ; dans la version originale, c’est la femme qui baigne au fond du puits et l’homme qui joue l’indécis assis sur la margelle). Riffard c’est l’envie d’amour qui rode partout dans ses vers et la réalité autrement contrariée ; c’est l’illusion d’avoir un peu de courage, de casser la gueule à qui vole son cheval. C’est ce regard envieux tourné vers les amoureux : « Il faut les voir / Se bécoter tous les dix pas / Sur le trottoir. » Et la campagne pour échappatoire, là où les vaches vont de meuh en mieux à regarder passer les trains…
Improbable sur le papier, le casting est éblouissant. Chacun son registre, tous pour Riffard et Riffard pour tous. A croire que chacun d’entre eux puise ses origines en partie chez cet homme-là. Avec un tel matériau extraordinaire, nos sept amis vont plus loin encore dans leur art. On pourrait pour le plaisir citer les morceaux d’anthologie, mais ce serait tous les citer. Allez, disons simplement ce duo d’Anne Sylvestre et Gérard Morel sur Timoélon le jardinier, ou cet autre entre Hervé Peyrard et Thibaud Defever : « Chanter c’est ça qu’y est bon / Entre gentils garçons… » Cette drague pop entre Defever et Zaza Fournier, cette voix entêtante de Flavia Perez… Que du beau, que du bien, de l’enviable, du recommandable.
Créé il y a un an (lire ici les papiers de notre collègue François Bellart lors sa création au Train-Théâtre), ce spectacle tourne. Peu et c’est dommage (les programmateurs sont souvent sans culture aucune), mais tourne. Et puis un disque va sortir : vingt-huit chansons, la totale ou presque. Occasion s’il en est de s’affranchir une peu de notre ignorance, réhabiliter un sacré bonhomme de la chanson. Soyez certains que ce (formidable) spectacle sera oublié des Victoires de la musique : tant mieux, c’est le signe que c’est de qualité.
A recommander vivement, ce site sur Roger Riffard : le lien s’ouvrira, par bonheur, sur les textes de ses chansons.
Un de ceux qui me vont droit au coeur, sans détours . Un poète des chemins, un jardinier des mots, mettant des brindilles dans les cheveux des filles et ramassant les feuilles de marronniers avec Timoléon le jardinier , et prenant aux oiseaux les plus belles mélodies .
Farfelu, irrésistible, insolite, sentimental, faussement naïf . Solidement ancré dans le terroir , il voit le monde d’un oeil doux et lucide, et le décrit avec une poésie surréaliste, une imagination débordante .
J’attends au détour du chemin ce spectacle qui fait refleurir les chansons de Riffard avec cet éblouissant casting . Messieurs les programmateurs …
Ce spectacle est un bijou délicieux. J’ose dire que je suis bien content de cette bande annonce. Elle est un peu longue certes, en même temps je crois que c’est un raccourci honorable du spectacle (si tant est que ce soit possible), fait avec les anciennes caméras (snif !) de Tranches de scènes. D’ailleurs c’est un peu une mini Tranche de scènes.