Les Cyranoïaques, cabaret délicieusement crétin
Mardi 14 octobre 2014, lancement de saison, Lavelanet (Ariège),
C’est du théâtre et de la chanson, c’est tartignole, déjanté, absurde, burlesque et… salutaire !
Ce soir, ouverture en franche rigolade de la saison de Lavelanet Culture, avec la compagnie toulousaine Les Cyranoïaques, qui depuis presque trente ans régale le public avec ses créations où musique et grands textes font bon ménage.
Dénonçons immédiatement les coupables de cet affront-là fait à la chanson : Stéphane Delincak, ténor sur le retour, Hélène Sarrazin, sopranouille à la tessiture incertaine, et Patrick Abéjean, pianiste blond frappeur d’un clavier Rolland, planté côté jardin. Quand on les voit arriver dans leur costume rouge et blanc d’une fin de réveillon arrosée, commencer leur cabaret crétin autour d’un sapin très moche, on peine à croire que chacun bénéficie d’un parcours de premier de la classe de musique. On oublie la carrière exceptionnelle de Patrick Abéjean, metteur en scène, comédien, danseur, formateur au conservatoire supérieur de musique. Ou bien on se dit qu’il a « pété les plombs » !
Le propos ? Faire l’inventaire d’un siècle de chansons idiotes (pas loin d’une centaine) avec méthode ; chaque tête de chapitre et même le nom des artistes étant notés sur le paper board côté cour. On n’épargne personne, pas même le répertoire classique (un Fauré, dans la classification « texte stupide »), surtout pas la chanson enfantine où Chantal Goya trouve une place de choix – on s’en serait douté ! – encore moins la chanson « engagée », celle qui se prend au sérieux et qui donne lieu à un « Laissons, laissons entrer le soleil » repris en chœur par le public.
Quelques medleys thématiques sont carrément jouissifs, celui de l’amour, qui pourrait à lui seul faire l’objet d’un spectacle, de la femme, de la maladie, et puis ce chapitre sur la chanson onomatopéique où Chabada côtoie, Zaï, zaï, zaï, ou Tic tac, tic tac… je vous laisse imaginer la suite ! Ou bien encore la chanson qui évoque un personnage bête, J’suis bête de Marie Dubas ou Je suis conne de Brigitte Fontaine, un morceau de choix dans ce spectacle ! Ou cette chanson qui se veut carrément idiote, comme Pouet-Pouet de Georges Milton ou La Banane de Katerine.
Bien sûr, on entendra aussi dans un bric à brac impossible à traduire, les chansons à jeux de mots, absurdes, comme Cet enfant que je t’avais fait, dialogue Jacques Higelin, Brigitte fontaine qui fait mouche à chaque fois, chansons surréalistes, naïves, et du coup poétiques en diable.
Au final, on comprend surtout que c’est de la connerie qu’il faut se protéger, éviter d’en être un assidu car le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est con, on est con !
Et si ce cabaret crétin des Cyranoïaques était en somme un bel hommage à la chanson ? Si les programmateurs usaient de cette gaudriole euphorisante pour ouvrir leur festival ou leur saison ?
Ploum, Ploum, tra la la !
La chanson crétine, vaste sujet, mais tant qu’elle n’est pas crétinisante… Quand on pense que Roger Blin, le spécialiste de Beckett fredonnait « Ah les p’tits pois »… ça relativise…