Roujan 2014 : histoires de femmes, de bonne fame
La désormais bourguignonne Géraldine Torrès, ex Face à la mer, bien que n’« ayant pas la gueule d’une tête d’affiche », s’est vu offrir une Carte blanche en ce festival Femme plurielle. Elle qui, par nature autant que par idéal, est déjà partageuse, ne s’est pas fait prier pour convier sur scène ses poteaux tels qu’Alee, Tiou, Jérome Balthaze ou l’humoriste et poète Pierre Henri. Ainsi que, bonne pioche, nombre d’artistes alors présents sur Roujan : Fantine Leprest, Sabine Drabowitch et Galim. L’un dans l’autre, ça fait plateau copieux où chaque prestation est cadeau, comme une famille généreuse partiellement réunie. Ce n’est pas pour autant la meilleure façon de découvrir Géraldine, le concert faisant un peu décousu mais on ne chipotera pas trop car ce bout de bonne femme est boule d’énergie et, en v.o. (elle est d’origine espagnole) comme en v.f., dans son propre répertoire comme explorant celui de Bernard Dimey, d’Allain Leprest, de Renaud ou de la Mano Négra, elle excelle, qui plus est avec une formation réactive parmi laquelle une violoniste assez remarquable. Seul regret : un concert trop long où tout se dilue trop et perd en efficacité. Pour autant, les séquences mémorables se comptent sur les doigts de plusieurs mains, la plus insolite et incongrue étant sans doute cette chanson de David Lafore interprétée par Jérome Balthaze : Vingt francs, ou l’art de prendre le contrepied du tapin, de la masculiniser et de brader le cunnilingus. Femme plurielle se le devait.
Marie d’Epizon est comme dentellière de la chanson, voix douce et fluide, presque aérienne, une douceur ventée de superbes mélodies et des textes délicatement brodés, ourlés. C’est séduction, rare enchantement où l’auditeur se love dans des mots soyeux dont les notes ingénieuses (de l’accordéoniste Dorine Duchez et du guitariste-chanteur Michel Avalon) trouvent l’équivalent. Aux situations humaines elle mêle les éléments, les choses de la nature, en des chansons qui parfois font songer à des pastels : « Y’a des pensées pinceaux qui viennent à dessein. »
Lily Luca est comme l’enfance de l’art. C’est en tous cas là qu’elle puise cette fausse naïveté qui fait sa drôle d’identité. Ecriture singulière pour chansons pleines de fraîcheur, qui parfois font songer à des ballons gonflés d’eau qu’on fait éclater par malice, on n’ose dire par cruauté. C’est dire si, dans la fournaise de la petite salle bondée, la moindre gouttelette fait du bien, qu’on guette les facéties à l’interstice des vers, dans ces chansons façon fables où s’ébroue une vie insolite entre rêves et réalité, façon Alice au pays du pas forcément merveilleux.
De pastels en eaux fortes, de murmures en cris, une belle palette de femmes plurielles qui portent la paroles de toutes les femmes . Ce festival est un excellent remède de bonne fame et de bonnes femmes pour guérir de la morosité