Mouloudji, 20 ans après
Mouloudji est tant frappé d’intemporalité que nous aurions pu louper la date anniversaire de son trépas : ça fera vingt ans le 16 juin. Par bonheur – et pour le coup, c’est est un, c’en est deux, c’en est trois – l’actualité éditoriale nous réveille. Par un excellent disque hommage paru chez Discograph (lire ci-dessous), par un coffret à paraître chez Universal avec de nombreux inédits en cd. Et par un superbe livre, Athée ! Ô grâce à Dieu !, paru, lui, aux éditions Carpentier, signé d’Annabelle et Grégory Mouloudji – les enfants – avec la collaboration de Laurent Balandras. Un livre de 160 pages à l’exceptionnelle iconographie et dont les pages perlent d’émotion. Tout Mouloudji y est : l’acteur (au théâtre comme au cinéma) et le chanteur, le peintre et le père, même très absent, « [incapable] à créer un foyer familial au regard du modèle dans lequel il a poussé telle une herbe sauvage. » Tout, mais loin de toute biographie : simplement des tranches de vies, des émotions, des souvenirs et un dialogue qu’Anabelle et Grégory Mouloudji tentent avec leur papa. Ouvrage atypique, oui, et beau, qu’on consulte avec précaution, comme pour ne pas troubler les chuchotements, les confidences, les choses trop personnelles. Ici les cœurs s’ouvrent aussi sûrement que l’album photo, le press-book, les affiches et les pochettes de disques, les tableaux. C’est une enquête à la recherche d’un paternel, fils d’un kabyle et d’une bretonne, qui parlait peu et chantait aux autres. Une enquête et ses pièces à conviction. Sur un qui somnambule dans la tête de ses gosses, présent et très lointain à la fois. Ce livre est une quête et nous en sommes les témoins, nous qui y cherchons aussi et pour nous même des indices, des moments forts, afin de reconstituer le parcours du chanteur de coquelicots. C’est un superbe document, pièce de choix pour tous ceux qui ont gardé en eux cette tendresse pour Moulou, à l’« allure chiffonnée de piéton de l’aube, cette tête de mouton noir, celui qui marche à l’écart du troupeau. »
Annabelle et Grégory, Mouloudji, Mouloudji, Athée ! Ô grâce à dieu !, Editions Capentier, 2014.
Le bel hommage discographique
Pour être dans le coup, pour faire moderne, on appelle ça un « tribute » : le terme est très chic, très mode. Pour parler de ce disque sur Marcel Mouloudji, on préférera le terme d’hommage. Parce que c’en est un. D’ailleurs, c’est ainsi que c’est mis sur la pochette.
Ici pas de casting étudié rien que pour rafler le maximum de ventes : l’équipe en est même improbable. Autant qu’enthousiasmante. Louis Chédid, Melissmell, Alain Chamfort, les enfants Mouloudji, Christian Olivier (Têtes raides), Jil Caplan, Frédéric Lo, Maud Lübeck, Baptiste W. Hamon : rien qu’à les écouter, on sent l’adhésion au projet, le respect. Douze chansons seulement mais une sélection qui fait anthologie, quintessence. Comme un p’tit coquelicot, Faut vivre, Un jour tu verras, Les enfants de l’automne, Le déserteur, J’irai par le monde… pas de faute de goût. Des interprétations différentes qui, parfois, nous offrent, non d’autres perspectives aux chansons, mais des reflets différents. On pourrait noter ici les magistrales interprétations de Melissmell (Faut vivre) qui fait songer à Ribeiro, de Christian Olivier (Le déserteur) ou de Chédid (Comme un p’tit coquelicot), c’est chaque titre, chaque interprète qu’il faudrait ici mettre en exergue, qui nous rendent Mouloudji présent en lui offrant la somme de leurs talents.
Un disque indispensable pour tout amateur de chanson.
(Collectif) Hommage à Mouloudji, en souvenir des souvenirs…, Discograph, 2014
en dehors de la voix inoubliable même si elle pouvait agacer – oui – Mouloudji, sauf erreur de ma part, a œuvré à l’enregistrement de nombreux disques dont FREE JAZZ de François TUSQUES et ses compagnons et dont la direction musicale était assurée par… Colette MAGNY.
Une voix inoubliable, oui, et je l’écoute toujours avec autant de bonheur . Et aussi comédien et acteur de talent . Merci pour ces précieuses infos , et pour le récital .
Pour l’album hommage, j’ai un peu de mal avec les arrangements, sur la majorité des chansons, ça commence bien et puis régulièrement arrivent les mêmes montées de synthés sur la fin, qui me deviennent vite insupportables. C’est d’autant plus dommage que les interprètes sont tous très bons, sobres, retenus, pas besoin d’en faire des caisses quand les textes et les musiques sont très bons. J’aurais aimé que toutes les chansons soient accompagnées comme « Je suis né à Paris » ou comme « Les enfants de l’automne »… Je suis sans doute un vieux ronchon, mais Mouloudji est pour moi un des très grands artistes des années 45-80. Donc je suis assez soucilleux…
Et j’ai la nostalgie des accompagnements en dentelle fine de la guitare de Crolla… Qui a quelques disciples en 2014. Et puis j’aurais aimé y trouver « La valse jaune »… Et aussi une chanson composée par son frangin de rue, Enrico Crolla…
Moulou était une merveille. Un être extraordinaire. Un véritable ami. C’est une absence. Une véritable absence. Mais je suis heureux, tellement heureux de l’avoir connu. Inoubliable.