Gérard Pierron : une idée qui roule
Quand ses copains viennent à la maison, après bonne chère, bons vins, après avoir discuté chanson, après répétition, il aime à les conduire dans ces lieux voisins où se pratique la boule de fort. La boule de fort ? Un jeu traditionnel du Val de Loire sans doute ignoré de la plupart des boulistes et des pétanqueurs, qu’ici célèbre Gérard Pierron, poète des choses simples, des menus plaisirs de la vie. A force de tous les convier à pousser cette boule aux autres pas pareille, certains se sont pris au jeu et on écrit sur cette boule qu’on prépare, qu’on bichonne, qu’on frotte bien pour qu’elle soit lisse comme un miroir… ça nous donne un livret de 31 chansons dont 19 ont fait le disque joint.
Le premier à se lancer, à lancer la boule, c’est Allain Leprest, qui doit suivre la partie dans les tribunes de tout là haut. Pierre d’Anjou, Dominique Solamens, Loïc Coste, Eugène Bizeau, Gilbert Charpentier, Patrick Baladin, Bernard Plot, M. Toullier, Patrick Piquet, Pierron lui-même et Emile Joulain ne donnent pas leur boule au chien : « Boule, mais d’exception, elle est forte la coquine / Avec ses creux, ses bosses, la voici féminine / Femme imprévisible, attitudes multiples ! » C’est la boule et tout ce qui pareillement tourneboule : « Du vin du bon du comme j’avais / Par Chesneau de Dampierre / Métivier de Saint-Cyr / Ou Tessier de Varrains / Du vin du bon de celui-là / Qui prenait la lumière / Et chassait mon chagrin. »
S’il est toutefois un point commun entre la boule de fort et les autres arts de boules, c’est bien le perdant qui s’en va ici biser un cul, celui de not’ Ninon, ailleurs embrasser la Fanny : « J’en connais qui bons joueurs / Qui font ça dans la bonne humeur / Y payent un coup, i’s arrosent ça / Ma foi, c’est beaucoup mieux comm’ça. » La boule, c’est aussi du socio-cul !
Gérard Pierron est artiste ethnologue : rien que sa chanson est éco-musée où s’expose le bien-vivre, le gagné et le perdre, le bonheur d’être là, de s’échauffer les papilles à la buvette et de lancer cette boule. Ce disque-là n’est pas pour les foules, on s’en fout. Il consigne un art de vivre, de jouer et de chanter. La chanson a oublié, il me semble, cette fonction-là : par Gérard Pierron et ses amis, ce n’est pas tout à fait perdu.
Gérard Pierron, Chansons en charentaises (poésie de magie de la boule de fort), Le P’tit chariot, 2014. Le site de Gérard Pierron, c’est ici ; la page wikipédia sur la boule de fort, c’est là.
Ah ! Gérard Pierron… une émotion inoubliable ! Pardon mais j’en suis restée à un souvenir d’Avril 1982 à Quimper : Gérard Pierron, chante Gaston Couté, « Les mangeux d’terre »… ce qu’il m’en rest ? Un 33 tours, la pochette du vinyl est superbe avec cette étiquette dorée : Grand Prix International de l’Académie Charles Cros. Recto, L’homme est de dos, tourné vers une fenêtre… dans des tons à la Rembrandt , verso une photo noir et blanc du café de Noyant sur Touraine, chez Monsieur et Madame Courson … ça sent l’amitié, le bon vin, la bonne table sur fond d’accordéon et de guitare… Un art de vivre ! Merci à cet artiste d’être toujours là… si près !
Et quand on a trinqué avec lui autour de Gaston Couté, partagé la parole et le vin de l’amitié , on sait un peu du secret de son chemin traversier, et les foules, oui, on s’en fout .
Merci pour la leçon de boules de fort !
« …Ce bon dieu d’jeu a ça d’magique,
On gagne, on perd, c’est l’même effort.
Pour la savoir, y’a qu’la pratique,
La boule qui roule, la boule de fort. »
Jour de finale » Loïc Coste
Merci à Michel Kemper pour ce bel article à propos du CD de Gérard. Que roule la boule ! Allain, dans le sax du bon dieu, est heureux, m’a-t-on dit…:)
J’apprécie beaucoup l’article de Michel Kemper, beaucoup !
Néanmoins, j’aimerais aussi que d’autres auditeurs l’entendent, ce CD !
Gérard Pierron est un grand passeur, et pour passer, il faut également des récepteurs. Votre site contribue à ce passage, Philippe Meyer également. Assez peu de médias, de critiques, bien trop peu…
Je m’excuserai quant à moi d’écouter Pierron depuis… longtemps, et je trouve que son chant est toujours plus beau!
Jean Paul Gallet
J’ai rencontré Gérard Pierron il y a quelques semaines, pour un entretien. Il est fidèle à sa réputation: simple, gentil, et d’une générosité extraordinaire.
On dit souvent qu’il faut dissocier l’oeuvre et la personnalité de l’artiste, pour éviter certaines désillusions ; on dit aussi qu’un salaud peut être un grand créateur (et inversement). Certes…
Mais quand un bonhomme est à l’image de son oeuvre, qu’ils sont ensemble beaux et bons, ça fait quand même foutrement plaisir !
Le dernier disque de Gérard Pierron lui ressemble: frais et généreux, rempli jusqu’à la gueule de beaux textes mis en musique avec brio.
PS: il sera les 3 et 4 avril prochains au Limonaire
Rectificatif: c’est les 2 et 3 avril au Limonaire, pas le 4…
Publication d’une itw de Gérard Pierron, sur le site Froggy’s Delight: http://www.froggydelight.com/article-14848-Gerard_Pierron.html