Prémilhat 2013 : Yacoub, l’incroyable folk-singer
Chaise haute, bouteille d’eau et guitare : Gabriel Yacoub sans musiciens, dans l’épure de son art. Quand on le connaît, on sait l’immense artiste qu’il est. Distraits que nous sommes à l’écoute d’autres chanteurs, d’autres plaisirs, on peut l’oublier. Mais chaque fois qu’il nous revient, qu’il est là devant nous, nous le retrouvons, sensible et puissant, admirable. Yacoub est un des rares folk-singer français. Il serait étasunien que même les rockeurs de Libé le tiendraient en grand respect. Il est de chez nous et seul son public sait que, jadis, d’un groupe folk pas vraiment comme les autres, est né ce singulier chanteur, si différent. Qui ce soir, en solo, vient partager avec nous une chanson « pathétique, métaphysique, faite de chansons tristes et de chansons d’amour », ce qui, par lui, est à peu près la même chose : des « Souvenirs bavards / Souvenirs buvards / Pépites incrustées / Fines couches cirées / Sur mes chroniques provisoires. »
De son passé, il nous tirera seulement ce terrible Ecolier assassin, faisant au passage une lecture étonnante de ces chansons traditionnelles, telle Aux marches du palais, qui font notre enfance : sait-on seulement ce qu’on chante vraiment dans les cours d’école ?
C’est l’œuvre en propre de Yacoub qui est ici mise en exergue. Des fulgurances comme Pluie d’elle, des songes partagés tel Rêve à demi, une vigoureuse chanson marine aux Bannières qui claquent, des quêtes d’amour comme ce superbe traditionnel qu’est Nous irons en Flandres. Et bien sûr Les Choses les plus simples que nombre de chanteurs américains ont ajouté à leur répertoire et dont nous connaissons ici la reprise par Joan Baez, en duo avec Maxime Le Forestier : « ces choses qu’on a dit ne jamais oublier… »
Ce n’est ni vraiment concert ni tout à fait spectacle, simplement une rencontre, l’échange entre l’artiste et un public qui connaît son Yacoub sur le bout des doigts, sur le bout des lèvres. Un moment de pure beauté, hors normes, fait de ballades de temps anciens, d’autres de temps nouveaux, assez intemporel car hors les modes, hors cette chanson bien souvent formatée. Cette scène est étrangement habitée : la chanson de Yacoub a une âme particulière qui puise ses racines dans le profond de nos vies et tente tout à la fois de s’en évader par des mots, des émotions, des partitions, des partages. Quarante ans qu’il hante nos scènes en y semant mots et portées, qu’il surajoute à la tradition, qu’il la sublime en imaginant son devenir. Il est, comme dans un de ses titres, le sucre et le sel de la chanson : « Le sel est sur la table / Là, au milieu / Le sucre est aux lèvres / Des belles dames. » On embrasse pour moins que ça.
Le site de Gabriel Yacoub c’est là.
Oui, grand artiste ! Vivement des nouvelles compositions de ce poète romantique aux mille racines !
Bel article ! « Etusanien » ? Connais pas ! « Étasunien », à la rigueur ! Jean
Oups ! Et dire que personne avant vous ne nous l’a signalé ! Mais la fôte de frappe est tellement mignonne que je ne la corrige pas : ça permet de mettre en valeur votre gentil commentaire, Jean. Merci.
La gentillesse de mon commentaire ne doit pas vous dissuader de corriger cette coquille (qui désavantage votre texte) ! En tous les cas, elle n’avait pas cette intention-là, tout au contraire : mon commentaire sous-entendait que vous la corrigiez…