Trois becs et fines bouches (à l’Anne Sylvestre)
Les 3 becs, 12 octobre 2013, Le Sou de La Talaudière,
Eux se nomment Les 3 becs. Pas étroit, non. De larges becs qui avalent et recrachent (avec délicatesse et talent) tout Sylvestre, l’œuvre d’une grande dame. Qui, contrairement à une absurdité devenue vérité, n’est pas que la chanteuse pour enfants des Fabulettes. Elle passerait en télé et radios que la méprise n’aurait jamais pu prendre corps. Mais c’est vrai que les grands médias comme on dit sont œuvre de désintelligence. S’il est une absence encore plus scandaleuse que d’autres, c’est bien celle d’Anne Sylvestre. C’est tellement criant que c’en est censure, honteux boycott de médias ignares et crétins, crime culturel dans nom.
Anne Sylvestre est bien vivante qu’on la découvre, la rédécouvre déjà. S’apercevant, émus, de l’immense artiste et auteure qu’elle est. Il suffit à nos oreilles trop distraites et futiles de se poser sur une de ses chansons, comme des oiseaux le feraient sur le fil de téléphone ou une corde à linge, pour s’en convaincre. C’est différent, pas pareil, c’est autre chose. Ce ne sont que des mots pourtant simples, mais bien ordonnés, en une savante et évidente combinaison. Et ces mots simples, bien imbriqués, vous disent des choses de la vie, des banalités souvent qui, sous, leurs évidences sont choses essentielles, des cris retenus, étouffés, soudain libérés. Des bouts de vie qui sont autant d’émotions. Il y a une façon de dire à la Sylvestre qui n’appartient vraiment qu’à elle. Elle seule. On peut faire mille études, écrire sur elle des tas de bouquins qu’on n’en comprendra jamais tout à fait la recette, à peine la texture, pas même la mixture. Elle est unique, immédiatement identifiable. Même si vous ne connaissez pas une chanson, même si c’est autrui qui la chante, vous savez d’intuition, de rare évidence, que c’est Sylvestre qui l’a écrite.
On peut donc ne pas connaître la chanteuse et découvrir, et applaudir Les trois becs. Eux ce sont Christopher Murray (que les fins amateurs de chansons savent, ne serait-ce que par ouï dire), Claire Guerrieri et Robert Bianchi. C’est chanté tout aussi simplement, parfois (un peu) théâtralisé, picorant dans l’œuvre, y prélevant forcément des merveilles. En temps normal c’est un récital complet à la durée réglementaire, bien 90 minutes et les prolongations ; là, c’est en première partie donc ramassé, forcément amputé. Mais c’est déjà ça, bon poids, bon point. On y trouve Carcasse, Le p’tit grenier, Pour se réveiller (tiens, une fabulette !), L’histoire de Jeanne-Marie, Les dames de mon quartier, Le mari de Maryvonne… des chansons connues, d’autres moins en vue à moins d’avoir l’intégrale discographique de la dame… Et même ces Gens qui doutent qu’Yves Jamait, héros de la partie suivante, vient interpréter avec nos Trois becs. Bravo.
Pourquoi les Trois becs, d’ailleurs ? Je ne le sais. Si c’est parce qu’Anne Sylvestre a chanté Porteuse d’eau, ils sont donc becs verseurs et c’est de grande utilité.
Le site de Christopher Murray, c’est ici. Pas encore de vidéo pour Les 3 becs (ça va viendre…) : on en profite pour écouter encore Anne Sylvestre, ici par Les gens qui doutent…
Je ne saurais trop dire pourquoi j’ai toujours un peu de mal avec les reprises de ceux qui sont bien en vie, bien en scène aussi ; car Anne chante encore et toujours… Mais à peine ai je écrit ces mots que je songe à Barbara qui commença sa carrière en chansons en interprétant celles des autres …bien vivants ! Ce n’est que très timidement et sans même annoncer l’auteur(e) – pardon mais j’ai beaucoup de mal avec ce e final qui est une drôle de façon de tordre notre langue de faire fi de son histoire …dit-on docteure, chanteure, masseure ?? ! – c’est disais-je avec pudeur qu’elle osa sa première chanson sur la minuscule scène de l’Ecluse.
Quant aux Fabulettes, moi, je les aime énormément ! Si l’on peut regretter qu’elles aient occulté l’immense répertoire d’Anne, je ne me résous pas à les oublier. Après tout, pourquoi un répertoire « enfants » aurait-il moins de valeur ?
Ma grande fille en a eu presque les larmes aux yeux quand elle a approché un jour Anne, dans le hall d’un théâtre… bercée qu’elle fut par la voix d’Anne comme tant d’autres enfants de sa génération. C’est une belle histoire que celle de ces fabulettes.
Allez, j’arrête ce bavardage…juste envie de prolonger ton article Michel !
» On ne comprendra jamais tout à fait la recette » des chansons de la grande Anne Sylvestre… à moins d’être une spécialiste des » Calamars à l’harmonica » …Mais elle seule a le secret des ingrédients . Et merci pour la découverte de ces 3 becs et pour cette chanson d’Anne Sylvestre . Moi aussi, j’aime les gens qui doutent , et l’interprétation d’Yves Jamait aussi .
http://www.youtube.com/watch?v=ThLqTUiVpkg
Enfin, je pense quand même que les choses changent, non ? A en juger cette reprise des gens qui doutent chez Drucker…et puis cessons d’accuser les méchants médias…peut-être après que la majorité des gens sont indifférents à cette chanteuse, ce qui est assez banal…
il m’arrive souvent de déplorer qu’on oublie de faire un hommage à un artiste de son vivant, par exemple, dans les chansons de Moustaki et de Pierre Barouh, il y a des trésors connus des « vieux copains » et qui pourraient donner à de jeunes interprètes de quoi faire de beaux spectacles. Pas la 10 000 ème version de Milord ou de « à bicyclette » ça va, on connait … C’est comme Dimey, les sempiternelles versions avec le folklore de la butte, ça va bien, mais « La mer à boire » ou « Manque à vivre ».. il y a de quoi renouveler..