Festival Bernard-Dimey 2013. Sortir la tête de l’eau avec Thomas Pitiot
Mercredi 8 mai, Centre Culturel de Nogent,
Ca commence comme une boutade et pourtant…! La terre où nous sommes vient d’être victime d’un trop plein de pluies et par endroits les vastes étendues de la champagne « pouilleuse » se sont métamorphosées en rizières. Poète de son époque Thomas Pitiot use de la métaphore et, ma foi, c’est efficace ; oui, Thomas comme tous les poètes aux semelles de vent, nous insufflent ce qu’il nous manque d’oxygène pour survivre aux temps mauvais. Avouons qu’il en faut des artistes comme lui dans notre Occident en souffrance ce qu’il clame dès la première chanson, comme un leitmotiv, un slogan. Peut-on rêver meilleur programme ici et maintenant au festival Bernard-Dimey ?
Thomas est un fidèle de cet évènement, comme il l’est pour d’autres lieux qui défendent âprement la chanson, celle qui ne chante pas pour passer le temps. Il vient y partager avec ceux qui l’accueillent toutes ces valeurs auxquelles nous nous arrimons pour ne pas sombrer. Avec Thomas ce n’est pas de l’ordre d’une attitude plus ou moins théâtrale, encore moins une pose. Il s’agit bien d’un homme qui ne voit qu’avec le cœur. C’est pour ces raisons là que le festival l’a convié avec son nouveau spectacle en quartet (claviers, guitare, contrebasse, percus) mais pas seulement… En co-réalisation avec Arts vivants 52, avec ses actions dans les écoles, Thomas s’est prêté à l’exercice du concert pédagogique. Ce soir, il nous en offre un aperçu en duo avec une délicieuse Charlotte à laquelle je prête généreusement 8 ou 9 ans, une de ces petites princesses à la queue de cheval haut perchée, qui entonne avec lui une chanson créée avec d’autres aussi hauts qu’elle. L’interprétation de La poule aux poux est un moment de grâce absolue. Comme le sera une version « zouc » de Ma môme de Jean Ferrat en clôture du concert.
Toujours avec cette rencontre métissée des rythmes et des mélodies qu’il affectionne, les chansons de Thomas résonnent pour nous donner l’envie de danser car se mouvoir, ça participe à s’émouvoir. Thomas nous émeut, nous bouscule aussi et chacune de ses chansons est une invitation à savourer toujours davantage le goût des mots, leur chair vivante. C’est encore si vrai cette fois-ci, qu’il chante les poètes dont les stylos sont des cannes blanches, ou le mur sans haine devant lequel tu passes, les fresques où s’écrivent nos vies, qu’ils dénoncent ceux qui vendent tout (particulièrement efficace cette version avec diction seulement et contrebasse à l’archet) ou notre frénésie pour tout analyser, décoder du monde autour, alors que l’on ne sait toujours rien de nous – wallou ! – ou qu’il trinque aux élans associatifs, aux heureux bénévoles qui pourraient bien inventer une nouvelle façon d’organiser nos sociétés.
On quitte la salle avec dans la tête un renouveau de nos rêves, celui de voir les poètes comme Thomas Pitiot, nous construire un autre destin, sur les ruines de la Carmagnole…
Le site de Thomas Pitiot, c’est ici. Une vidéo extraite de la télé, c’est rare pour une telle chanson, mais…
Et si vous voyez passer les « Transports Pitiot Père et Fils », et si vous ne craigniez pas les chaos d’une route qui bouscule les habitudes, n’hésitez pas à faire un bout de chemin avec eux. Le père vous dira : « Mais laisse pas la magie s’en aller / Mais laisse pas la folie te quitter » ; et le fils : « J’habite une étoile invisible-Qui ne dépend d’aucun système / Elle donne la lumière sensible / Qui embrasera le poème /J’habite cette étoile invisible /Q ui a le coeur loin de la cible. »
Et, tous les deux, avec la même générosité et sur des rythmes aux couleurs mélangées et swinguantes, réparent « nos rêves
en morceaux » et nous invitent à un monde plus solidaire.
On peut, comme je l’ai fait moi-même, commander ce double album sur le site de « L’Océan Nomade ».
http://www.thomaspitiot.net/